Jusqu’à un propriétaire québécois sur cinq pourrait connaître une mauvaise passe financière en cas de recul du prix moyen des propriétés de 15 % ou de 30 % d’ici deux ans.

Même si aucune baisse des taux ne se profile à l’horizon, Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins, a réalisé deux simulations afin de tenter d’évaluer les conséquences d’un tel scénario sur la situation financière des ménages.

Selon son étude, environ 15 à 20 % des propriétaires se retrouveraient « dans une zone d’inconfort ou même critique » sur le plan financier, même si, parmi eux, seuls les ménages dans l’obligation de vendre leur propriété pendant la période de recul des prix seraient réellement affectés.

QUI SERAIT TOUCHÉ PAR UNE CHUTE DES PRIX?

Si les prix des résidences chutaient de 15 %, voire de 30 %, d’ici deux ans, tous les propriétaires ne subiraient pas nécessairement une diminution de valeur par rapport au prix d’achat, souligne-t-elle. En effet, nombre d’entre eux ont « largement profité » de la forte hausse enregistrée dans les années 2000 et, même avec une telle dégringolade, la valeur marchande de leur propriété resterait donc supérieure au prix payé lors de son acquisition. Ainsi, dans le cas d’une baisse de 15 %, son prix moyen retrouverait le niveau de 2010, tandis que dans l’hypothèse encore moins probable d’un recul de 30 %, il s’agirait d’un retour à sa valeur moyenne en 2007.

Par conséquent, note Hélène Bégin, « les ménages qui ont acquis une propriété avant cette période encaisseraient tout de même un gain en capital, bien que plus faible étant donné la diminution importante des prix ». En revanche, ajoute-t-elle, les ménages qui ont acheté leur résidence plus récemment, c’est-à-dire après la phase d’accélération des prix, risqueraient de devoir vendre à un prix moindre que celui payé. En outre, ceux qui ont profité de cette hausse pour s’endetter davantage se retrouveraient également dans une position délicate.

QUE SE PASSERAIT-IL AVEC LE REMBOURSEMENT DES PRÊTS?

Il s’agirait pour la plupart des propriétaires d’« une dépréciation sur papier qui se matérialiserait uniquement en cas de vente de la propriété », puisque ceux qui la conserveraient pendant la période de repli ne subiraient pas de véritable contrecoup, indique l’économiste. À l’inverse, ceux qui seraient dans l’obligation de vendre, par exemple à la suite d’une perte d’emploi, d’une séparation ou d’un déménagement, « subiraient de plein fouet la chute de valeur ». Et dans le cas où le montant de la vente serait insuffisant pour rembourser leur prêt hypothécaire, certains pourraient se retrouver en difficulté, avec un risque important d’insolvabilité.

Quant à la capacité des ménages à rembourser leur prêt hypothécaire en cas de diminution du prix des maisons, elle repose avant tout sur les revenus de travail et la variation des taux d’intérêt, selon elle. « Contrairement à une détérioration importante du marché du travail ou à une remontée abrupte des taux d’intérêt qui peuvent affecter directement la capacité financière des ménages à rembourser leur emprunt, une baisse de prix des propriétés touche uniquement la valeur des actifs puisque le montant de l’emprunt hypothécaire reste le même. »

Par contre, avertit-elle, le ratio dette/actif, qui détermine dans quelle mesure les ménages ont assez d’éléments d’actifs (financiers, immobiliers ou autres) pour couvrir leurs emprunts, pourrait, pour sa part, subir les conséquences d’une chute des prix dans l’immobilier. Alors qu’environ 87 % des ménages se situaient dans la zone de confort en 2016, selon les données d’Ipsos Reid, cette proportion tomberait à 83 % si le prix moyen des résidences diminuait de 15 % d’ici à la fin de 2018; dans le cas d’une chute de 30 % des prix, ils seraient moins de 80 % à rester dans le vert sur le plan financier, ce qui représente de 100 000 à 120 000 ménages supplémentaires qui se retrouveraient en difficulté.

« GARE AUX EFFETS INDIRECTS SUR LA CONSOMMATION »

Enfin, il ne faut pas négliger les effets indirects que pourrait avoir une chute des prix des résidences sur les dépenses de consommation, selon elle. Car, si cela se produisait, « la confiance de tous les propriétaires, qu’ils procèdent ou non à la vente, serait assurément ébranlée », assure-t-elle.

Sa conclusion? « Même si les simulations du ratio dette/actif ne peuvent tenir compte de cet élément, il est certain que les répercussions seraient plus larges et qu’elles toucheraient l’ensemble des consommateurs. Le sentiment de perte de richesse affecterait ainsi les dépenses des ménages, ce qui freinerait la croissance économique du Québec. »

Composition des dettes et des actifs

Le principal emprunt des ménages est constitué par les prêts hypothécaires. Viennent ensuite, dans l’ordre : les marges de crédit personnelles, les prêts à la consommation (y compris les prêts conventionnels pour les autos), le solde des cartes de crédit et les prêts automobiles sous forme de location.

Du côté des éléments d’actifs, on retrouve les éléments d’actifs financiers : comptes d’épargne et divers types de placements, tels qu’obligations et autres types de placements garantis, certificats de placement garanti, fonds communs et actions.

TRENTE POUR CENT DES MÉNAGES QUÉBÉCOIS N’ONT AUCUNE DETTE

L’actif immobilier constitue l’élément le plus important du patrimoine non financier d’un grand nombre de propriétaires. Depuis une quinzaine d’années, la valeur des éléments d’actifs des ménages endettés a progressé, de même que le niveau de leurs dettes. L’ascension du prix des résidences a joué un rôle important dans les deux cas : les dettes hypothécaires ont augmenté, tout comme la valeur des éléments d’actifs immobiliers.

Par conséquent, le ratio dette/actif de l’ensemble des emprunteurs est demeuré à « un seuil raisonnable », ce qui confirme que leur situation financière ne s’est pas détériorée au fil des ans. Selon Ipsos Reid, environ 30 % des ménages québécois n’ont aucune dette. Il s’agit, en général, de personnes d’un certain âge, ce qui fait que nombre d’entre elles ont fini de rembourser leur prêt hypothécaire.

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