Comme nous le rapportions mardi, le surendettement des ménages est aujourd’hui un important risque qui pèse sur le système financier au pays, selon un rapport de la Banque du Canada (BdC). La responsable principale? La dette hypothécaire.

En effet, dans une analyse rédigée par ses spécialistes à partir de données portant sur les prêts octroyés par 18 institutions financières sous réglementation fédérale entre 2014 et 2016, la banque centrale relève notamment que les prêts hypothécaires et les lignes de crédit des ménages augmentent plus rapidement que leurs revenus, puisqu’ils représentent désormais plus de 80 % de leurs dettes.

PRINCIPALE RESPONSABLE DE L’ENDETTEMENT

« La dette hypothécaire est le facteur qui a contribué le plus à l’endettement croissant des ménages canadiens au cours des 10 dernières années », soulignent les analystes de la BdC. Selon eux, cette expansion du crédit est notamment due à la demande liée à l’évolution démographique, aux taux d’emprunts peu élevés, à la plus grande accessibilité du crédit et à la forte croissance des prix des maisons dans certains grands marchés, en particulier à Toronto et Vancouver.

Afin d’évaluer au plus près les vulnérabilités créées par le surendettement hypothécaire au pays, les analystes passent au crible le rapport prêt-valeur (RPV), le ratio de prêt au revenu et la période d’amortissement des nouveaux prêts contractés pour l’achat d’une propriété résidentielle. « L’analyse des caractéristiques des titulaires de prêts hypothécaires, dont l’âge, le revenu et la région, aide à déterminer les groupes les plus vulnérables, c’est-à-dire ceux qui risquent le plus de subir des tensions financières en cas de choc défavorable, comme un recul généralisé des revenus, une hausse marquée des coûts d’emprunt hypothécaire ou une correction des prix des maisons », justifient-ils.

Rappelant que le marché hypothécaire canadien se divise grosso modo entre les segments des prêts à RPV élevé et à faible RPV, la BdC note que les premiers sont soumis à des critères stricts de souscription d’assurance hypothécaire, fondés sur des règles qui déterminent quand un prêt peut être accordé, tandis que les seconds sont régis par des règles de souscription plus souples. En effet, celles-ci reposent sur la propension au risque des prêteurs individuels, même si les prêteurs sous juridiction fédérale doivent respecter les lignes directrices de souscription émises par le Bureau du surintendant des institutions financières.

Toutefois, relativise-t-elle, l’adoption à l’automne 2016 de règles hypothécaires plus strictes « a déjà eu pour effet d’améliorer la qualité des nouveaux prêts assurés », tandis que « la croissance des revenus, les nouvelles mesures publiques visant le financement hypothécaire et les taux hypothécaires plus élevés devraient réduire cette vulnérabilité au fil du temps ».

L’INFLUENCE DES MARCHÉS DE TORONTO ET VANCOUVER

Le rapport montre notamment que, en fonction de leur richesse et de leur capacité à rembourser leur dette, les acquéreurs de maisons choisissent souvent le prêt assorti du RPV le plus élevé possible, tant dans le segment des prêts à RPV élevé que dans celui des prêts à faible RPV. « Les emprunteurs peuvent choisir un prêt à RPV de 80 % plutôt qu’un prêt d’un montant plus important à RPV élevé pour éviter de payer des frais d’assurance hypothécaire, pour se soustraire aux critères d’admissibilité en fonction du revenu plus stricts applicables aux prêts à RPV élevé, ou encore pour acheter une maison d’un million de dollars ou plus, c’est-à-dire un achat pour lequel l’emprunt n’est pas admissible à l’assurance hypothécaire », précise la banque centrale.

D’une manière générale, celle-ci relève que les prêts à faible RPV sont plus fréquents dans les marchés où la croissance des prix des propriétés est élevée, ce qui s’explique par « la proportion supérieure de maisons dont le prix est d’un million de dollars ou plus » et par « le fait que les exigences resserrées touchant le service de la dette qui s’appliquent aux prêts à RPV élevé sont plus souvent contraignantes pour les prêts assurés dans les marchés du logement vigoureux ». Fait à noter, les ménages dont les membres ont moins de 35 ans constituent près de la moitié des titulaires de prêts à RPV élevé, alors qu’ils représentent moins du quart des titulaires de prêts à faible RPV, sans doute parce qu’ils disposent de fonds suffisants pour faire la mise de fonds minimale de 20 %.

Autre constat intéressant : la proportion des prêts à faible RPV a progressé au fil du temps, au point où ceux-ci représentaient près des trois quarts (72 %) des nouveaux prêts contractés pour l’achat d’une propriété en 2016, contre 67 % en 2014. Selon la BdC, ce phénomène est beaucoup dû à la situation de surchauffe sur les marchés du logement dans le Grand Toronto et le Grand Vancouver. De même, les régions où la croissance des prix des maisons est élevée ont traditionnellement accaparé une plus grande part des prêts à faible RPV que les autres. Par ailleurs, dans ces régions où l’augmentation des prix est vigoureuse, la proportion des prêts à faible RPV est passée de 80 % en 2014 à 85 % en 2016. Cette hausse tient en bonne partie à la part grandissante des propriétés dont le prix est d’un million de dollars et plus à Toronto et à Vancouver, précise le rapport.

DES PROBLÈMES EN CAS D’AUGMENTATION DES TAUX

Selon la Banque du Canada, il est impossible de « résumer simplement » les conséquences qu’entraînent tous ces changements sur les vulnérabilités du système financier au pays. L’institution fédérale conclut cependant que « la proportion croissante des prêts à faible RPV suppose un transfert de risque des assureurs hypothécaires aux prêteurs et augmente également l’avoir propre foncier global ». En même temps, ajoute-t-elle, le nombre accru de ce type de prêts assortis d’un ratio élevé de prêt au revenu et d’une longue période d’amortissement « semble exacerber le risque pesant sur le système financier dans l’éventualité d’un important choc de revenu des ménages ». En outre, ces prêts pourraient créer des problèmes en cas de montée des taux d’intérêt hypothécaires, même si beaucoup d’emprunteurs versent des paiements établis d’avance pour plusieurs années.

Les points saillants du rapport

  • La dette hypothécaire est un facteur déterminant de l’endettement élevé des ménages, qui représente l’une des principales vulnérabilités du secteur financier canadien.
  • La proportion des nouveaux prêts accordés pour l’achat d’une propriété dont le rapport prêt-valeur est de 80 % ou moins est en hausse. Cette augmentation est fortement concentrée dans les régions où la croissance des prix des maisons est élevée, notamment à Toronto, à Vancouver et dans leurs environs.
  • Une part croissante de ces prêts ont une valeur élevée par rapport aux revenus des ménages ainsi que de longues périodes d’amortissement. Les ménages dont les emprunts hypothécaires présentent ces deux caractéristiques sont plus vulnérables en cas de baisse marquée de leurs revenus.
  • Ces tendances sont plus prononcées parmi les jeunes ménages. Elles sont également concentrées dans les régions qui se distinguent par des déséquilibres sur le marché du logement.

Source : Banque du Canada.

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