L’approche multigestionnaires est recherchée. Pour la discipline qu’elle impose au portefeuille, pour l’« alpha » qu’elle propose à l’investisseur.
Mais le jeu en vaut-il la chandelle ?

Faut-il voir une tendance lourde dans l’exercice consistant à marier les disciplines selon leur complémentarité en gestion de portefeuille ? « L’innovation et les solutions évoluent au rythme des besoins changeants des investisseurs, répond Craig Strachan, chef des produits à Fidelity Investments Canada. Nombre d’entre eux vont retrouver ce qu’ils recherchent parmi les fonds d’investissement traditionnels, pilotés par un gestionnaire unique. Mais on observe un besoin grandissant pour une approche multisectorielle. »

Le spécialiste de Fidelity donne l’exemple d’un portefeuille obligataire classique coiffé d’un seul gestionnaire ayant pour objectif de battre son indice de référence. En parallèle, la faiblesse persistante des taux d’intérêt alimente un engouement croissant pour les portefeuilles de titres à revenu fixe comprenant les traditionnelles obligations des gouvernements et des entreprises et qui étendent leur sélection aux univers plus complexes des obligations à haut rendement, des taux variables et de la dette des marchés émergents. Résultat : l’addition de mandats plus spécifiques et donc le recours à des gestionnaires spécialisés dans ces segments.

RENDEMENT ACCRU

Il en découle aussi un besoin de diversifier les risques d’investissement, mais aussi le risque de gestionnaire. On cherche à faire cadrer les intérêts de chacun dans une optique de « portefeuille de partenaires ». L’accent sera mis sur une contribution à l’actif sous forme de revenu ou de rendement additionnel. « L’approche multigestionnaires permet à ces derniers de rechercher l’alpha (la performance) à partir de plus d’une catégorie d’actif », précise Craig Strachan. L’objectif est d’ajouter de la valeur par des changements tactiques dans la répartition des actifs.

Craig Strachan

« L’approche multigestionnaires permet à ces derniers de rechercher l’alpha. »

Craig Strachan, chef des produits à Fidelity

Regrouper ces différentes spécialités devient synonyme de potentiel de rendement accru. « Nous combinons les gestionnaires proposant une vision ou une expertise différente mais complémentaire afin de générer une réelle différence, sans duplication ou dédoublement », ajoute le chef des produits de Fidelity. « Les résultats sont au rendez-vous, les fonds en multigestion démontrant une performance supérieure à long terme », dit-il.

À Fidelity, on parle d’une culture de méritocratie. Le nom des gestionnaires impliqués est associé au fonds ou au portefeuille, afin qu’ils se sentent responsables de la performance. Et il n’y a pas de différence sur la structure de frais selon qu’on emprunte au modèle à gestionnaire unique ou multiple. Pour le conseiller ou l’investisseur, l’expérience démontre qu’ils ne s’arrêtent peu ou pas à l’approche de gestion appliquée, exprimant plutôt leur préférence pour un style de gestion et un rendement accru ajusté au risque, constate Craig Strachan.

ÉLOGE DE LA COLLÉGIALITÉ

Willem Hanskamp, chef du placement à la Société de gestion d’investissement Heward, tient aussi à préciser que les deux approches fonctionnent. Ce qui ne l’empêche pas de faire l’éloge de la collégialité. La firme a fait le choix de la gestion en équipe, et propose deux grandes stratégies : l’une combinant la croissance et le dividende, l’autre faisant appel à la gestion globale diversifiée. Sa structure place le gestionnaire en relation avec un groupe client. Conseillers et analystes se réunissent plus d’une fois par semaine pour discuter des choix et de l’orientation des portefeuilles. Le gestionnaire va retenir l’opinion majoritaire et l’implanter en fonction de la politique d’investissement du client, notamment pour des considérations de conformité.

« On apporte ainsi une diversité d’opinions, explique Willem Hanskamp. Cela ajoute également de la discipline ou vient diminuer le risque de prendre une décision impulsive ou émotive que l’on peut associer à la gestion unique. Aussi, un gestionnaire unique peut vouloir maintenir une stratégie ou un investissement qui ne fonctionne pas, par fierté ou par peur d’afficher son échec. »

Willem Hanskamp

« Cela vient diminuer le risque de prendre une décision impulsive ou émotive.  »

Willem Hanskamp, chef du placement à la Société de gestion d’investissement Heward

Certes, la prise de décision peut être moins rapide, ce qui peut devenir une contrariété lorsqu’un événement force à bouger rapidement… « Nous menons nos discussions lors de réunions statutaires. Mais on peut les tenir dans le corridor lorsque la situation l’exige », répond Willem Hanskamp. Il ajoute que, à l’instar de Fidelity, cette approche n’implique aucune différence pour les frais de gestion et qu’elle a produit des résultats à la fois supérieurs et constants.

Erin O’Brien va dans le même sens. « C’est plus coûteux pour nous, mais la gestion en équipe n’a pas d’incidence sur nos frais de gestion, qui se situent parmi les plus bas dans l’industrie. » Mme O’Brien est membre du comité exécutif de Jarislowsky Fraser. Ce gestionnaire de stature mondiale s’en remet à un comité de stratégies d’investissement depuis 20 ans, assurant rigueur et pérennité à une philosophie de gestion qu’on applique depuis 60 ans au sein du cabinet. « Ceux qui s’en remettent à nous achètent d’abord notre philosophie, résume-t-elle. Les solutions vedettes n’assurent pas la continuité des rendements et accroissent le risque et la volatilité. »

Erin O'Brien

« Les solutions vedettes (…) accroissent le risque et la volatilité. »

Erin O’Brien, membre du comité exécutif de Jarislowsky Fraser

Jarislowsky Fraser fonctionne avec des spécialistes et des analystes entourant les gestionnaires qui, eux, entretiennent la relation avec le client, notamment pour des impératifs de conformité. « Est-ce plus efficace ? Je ne saurais le dire puisque c’est la seule façon de faire que l’on connaît. Nous sommes reconnus pour notre gestion prudente. Nous visons le rendement absolu à long terme, la croissance du capital en minimisant les risques », précise Erin O’Brien.

Dans cette relation avec le conseiller et son client, c’est la continuité du rendement qui, bien souvent, arrive au sommet de la liste des priorités.


• Ce texte est paru dans l’édition de septembre 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF.
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