En entrevue au quotidien The Globe and Mail, l’avocate et auteure Ellen Bessner affirme que le succès d’une relation d’affaires entre les conseillers et leurs clients se joue tôt dans le processus d’établissement du lien entre les deux.

D’un côté, note-t-elle, les conseillers ont tendance à évaluer trop rapidement la tolérance réelle de leurs clients au risque financier. L’exercice qui consiste à bien connaître son client, rappelle-t-elle, doit porter sur trois points : la capacité de supporter ou non des pertes d’argent, la détermination de l’horizon de placement du client et son expérience en tant qu’investisseur.

Il est impossible, dit-elle, d’avoir un portrait complet de la situation en remplissant seulement le formulaire prescrit et en en remettant une copie au client. « Les conseillers doivent mener une discussion franche et exhaustive avec leurs clients sur ces aspects », note l’auteure du livre Advisor at Risk, a Roadmap to Protecting Your Business. Entre autres, il est important de connaître le cheminement professionnel du client. En est-il à son premier ou huitième emploi au cours des 10 dernières années ? Comment a-t-il accumulé les fonds qu’il veut investir ? En épargnant petit à petit ou en ayant hérité ?

De l’autre côté, les conseillers doivent être vigilants, car de nombreux clients manifestent de la méfiance à leur endroit. Ils rencontrent les professionnels avec l’idée bien arrêtée de ne pas tout leur révéler. Ils leur cacheront cette dette de plusieurs milliers de dollars sur leurs cartes de crédit, par exemple, ou encore ce trou récurrent depuis des années dans le budget familial. L’ennui, c’est que les conseillers ont l’obligation légale d’être parfaitement au fait de ces situations troubles avant de recommander quoi que ce soit. Toute négligence à ce chapitre peut leur retomber sur le nez. D’où l’importance cruciale d’obtenir le pedigree complet des personnes qui s’assoient dans leur bureau.

Afin de faire parler leurs interlocuteurs, les conseillers qui cherchent à bien les connaître pourraient leur poser les questions suivantes :

– Qu’aimez-vous acheter avec de l’argent ?

– Si vous aviez de l’argent, que détesteriez-vous acheter ?

– Qu’est-ce qui vous stresse au point de perdre le sommeil ?

– Quelles obligations financières futures vous causent du souci ? Que ferez-vous lorsque vous devrez y faire face ?

– Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?

– Jusqu’à quand comptez-vous conserver votre emploi actuel ?

– Que feront vos enfants lorsqu’ils auront terminé leurs études secondaires ?

– Que ferez-vous une fois à la retraite ?

– Quels sont vos rêves, vos projets ?

– Qu’est-ce qui les empêche de les réaliser ?

– Devez-vous, ou devrez-vous, prendre soin de vos parents ou de vos beaux-parents ?

– Que regrettez-vous dans la vie ?

Revenant sur ce fameux concept de tolérance au risque, Ellen Bessner fait remarquer que le but de l’opération n’est pas de savoir si les gens ont peur lorsque les Bourses dégringolent ou s’ils sont euphoriques lorsqu’elles s’enflamment. À l’évidence, la plupart des êtres humains réagissent ainsi face au marché.

Ce que les conseillers doivent plutôt définir, c’est l’intérêt que portent leurs clients à l’égard de leur argent, s’ils sont capables de courir un risque ou non, quel qu’en soit le degré. De nombreux retraités qui ont subi de lourdes pertes durant le krach de 2008 espèrent se refaire en misant trop fort sur les titres de croissance, alors que leur situation objective commande la prudence et la préservation de leur capital. Le travail des conseillers est alors de… conseiller leurs clients, pas de remplir des commandes irréalistes.

Ainsi, il sera pertinent d’indiquer aux personnes devenues soudainement tolérantes au risque que :

– Les possibilités de perdre de l’argent à la Bourse demeurent bien présentes.

– Le rendement actuel des produits d’épargne sûrs, comme les CPG, est d’environ 2 % ou moins, ce qui est déprimant, on en convient. Mais que, au cours des cinq dernières, les actions n’ont rapporté guère plus de 5 %. Miser sur les actions en vaut-il la chandelle ?

– Il serait préférable pour eux de réduire leurs dépenses plutôt que de courir des risques indus.

Enfin, les clients doivent savoir que leurs conseillers n’exercent aucun contrôle sur les Bourses, la direction des taux d’intérêt et la valeur du dollar canadien. Lorsque les marchés périclitent, eux aussi en souffrent. Ce message doit leur être transmis le plus tôt possible dans l’établissement de la relation d’affaires.

Les conseillers ont la responsabilité de s’assurer que leurs clients le comprennent bien.