Ils ont tout pour plaire. Faiblesse des taux d’intérêt, transformation des fiducies de revenu, population vieillissante, fiscalité accommodante… Le dividende, c’est du bonbon pour les investisseurs. Du moins, tout favorise présentement les fonds de dividendes, davantage que l’action prise isolément. Et cet attrait est renforcé par la popularité grandissante des fonds dits « catégorie », dotés d’une structure d’entreprise. Des incontournables.

« Avec la faiblesse actuelle des taux d’intérêt, une obligation de 30 ans donne 3,56 %. Après impôt et inflation, il ne reste plus rien », résume Michel Marcoux.

Par où se tourner en pareille situation ? Le président d’Avantages Services financiers lance trois noms. D’abord Omega Actions privilégiées. « C’est un jeune fonds créé en novembre 2007 et composé à 93,2 % d’actions privilégiées, alors que les fonds de dividendes en contiennent peu ou pas. Il est bien géré par un spécialiste reconnu, et les frais de gestion sont de 1,48 %, alors que les frais de gestion moyens d’un fonds d’actions oscillent autour de 2,07 %. » Omega affiche un rendement annualisé de 6,2 %, comparé à une médiane de – 2,8 %. « Il a moins baissé que les actions ordinaires » lors de la correction boursière de 2008, souligne Michel Marcoux.

Ensuite Fidelity Dividendes. « Il existe depuis mai 2005 et ne contient que des actions ordinaires. Son rendement annualisé est de 6,5 %, comparativement à une médiane de 2,6 %. »

Enfin, Dynamique Dividendes. « C’est le moins risqué », indique Michel Marcoux. Créé en août 1985, il a un rendement annualisé sur dix ans de 7,3 %, comparativement à une médiane de 6,3 %. Ses frais de gestion atteignent 1,58 %.

Le spécialiste des fonds d’investissement rappelle qu’une action privilégiée et, dans un sens plus large, une action à dividende viennent généralement d’entreprises de grande capitalisation disposant de beaucoup de liquidités. « Vues sous cet angle, ces actions presque des obligations. Certes, l’actif sous-jacent peut diminuer. Mais en définitive, peu importe que le rendement soit recherché. Et le prix d’une obligation peut également se replier, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. »

Michel Marcoux parle des actions à dividendes. Les actions à dividende offrent une plus-value potentielle et un revenu sous forme de dividende, qui se veut fiscalement plus avantageux qu’un revenu d’intérêt. Il est vrai que le dividende peut être abaissé. « Mais regardez ce qui s’est passé en 2008. Les dividendes sont restés stables, ils ont été maintenus malgré la crise. » Michel Marcoux insiste : les entreprises convoitées pour leur dividende – notamment les institutions financières, les entreprises de services publiques, les entreprises de grande capitalisation, celles à croissance stable ou prévisible et celles fortement génératrices de fonds autogénérés – vont défendre leur historique de versement auprès des investisseurs institutionnels et autres grands demandeurs de revenu de placement, tels les investisseurs retraités.

Le président d’Avantages évoque, dans la foulée, la profondeur du marché des actions privilégiées au Canada. Même sous le coup de la transformation des fiducies de revenu en société par actions, le marché demeure petit et l’offre, ténue. « Avec l’augmentation prévisible de la demande, doit-on craindre l’apparition d’une bulle ? Je crois plutôt qu’au contraire, cette demande accrue incitera plus d’entreprises à verser des dividendes. »

D’autant qu’en ces lendemains de récession, les entreprises demeurent assises sur une montagne d’argent. « En matière de liquidités, les entreprises ont rarement été en aussi bonne posture financière », renchérit William André Nadeau, président et gestionnaire de portefeuille au cabinet Orientation Finance. Selon les données de la Réserve fédérale américaine, les liquidités des sociétés non financières atteignaient l’incroyable niveau de 1840 milliards en mars 2010, du jamais vu (en proportion de la taille de l’actif) depuis le début des années 1960.

Depuis la crise, et avec la croissance molle anticipée par les prévisionnistes pour les deux prochaines années, les entreprises ont plutôt tendance à procéder à des rachats sporadiques d’actions en circulation, tout en préférant plutôt garder le gros de leurs liquidités compte tenu de l’incertitude. Mais elles ne pourront retenir leurs liquidités indéfiniment. « Les portefeuilles en dividende devraient être avantagés au cours des prochaines années. » William André Nadeau croit aussi en une demande qui va grandissant, comme peut en témoigner le taux d’épargne des Américains, qui a atteint 6,3 %.

À la Financière Banque Nationale, on parle également d’une conjoncture présentement favorable au dividende par rapport au revenu sous forme d’intérêt. À cet avantage ponctuel, lié au présent contexte, s’ajoute une tendance de fond s’inspirant de l’évolution démographique. Dans la mise à jour du 22 septembre du document intitulé Stratégie, l’économiste en chef et stratège de la FBN, Stéfane Marion, reprend les chiffres de l’Investment Company Institute illustrant qu’au cours des 12 derniers mois, « les investisseurs ont injecté la somme sans précédent de 388 milliards de dollars dans des obligations et des fonds de revenu. En même temps, les fonds d’actions américaines ont enregistré une sortie nette de capitaux pendant chaque période de 12 mois depuis le début de 2007, malgré la popularité croissante des fonds négociés en bourse. »

L’analyste avance l’hypothèse de l’effet du vieillissement de la population sur le choix et la répartition d’actifs. « En 1958, seulement 35 % des porteurs de parts de fonds communs de placement voyaient dans la préparation de la retraite la principale raison d’investir dans ces fonds. À la fin de 2009, leur proportion était de 70 %. À mesure que la génération du baby-boom avance inexorablement vers l’âge de la retraite, il faut envisager un changement structurel de la composition des portefeuilles. » Stéfane Marion retient qu’environ 80 % de l’actif détenu présentement dans les fonds communs sont désormais soumis aux impératifs liés à la retraite.

Et le rendement est au rendez-vous, estime William-André Nadeau. Un portefeuille de dividendes pouvait rapporter de 7 à 8 % voilà deux ans. Maintenant, ce rendement annuel oscille entre 4 et 5 % en moyenne. « Les fonds de dividendes ont très bien performé dans le passé. Ils donnent de meilleurs résultats que le marché des actions en période de récession et de croissance lente. Ils baissent toutefois autant dans un environnement de crise et de grande récession. »

Le gestionnaire d’Orientation Finance avance à l’appui les données d’OShaughnessy Asset Management qui mesurent, notamment, la protection offerte par le dividende lors des neuf grands marchés boursiers baissiers observés depuis 1929. La chute moyenne des titres de dividendes composant le meilleur décile a été de 33,7 %, contre 41,6 % pour le S&P 500, et de 42,2 % pour les entreprises à large capitalisation. Dans les corrections les plus sévères, la chute moyenne des titres à haut dividende atteint 43,7 %, contre 54,3 % tant pour S&P 500 que pour l’univers des titres à forte capitalisation. « Les probabilités que les compagnies offrant un fort taux de dividende résistent mieux aux corrections de marché sont plus élevées, quoiqu’il leur est arrivé de connaître des résultats pire que ceux du marché dans certains marchés baissiers […] Porter son attention sur les compagnies offrant un haut rendement demeure la meilleure façon de protéger les portefeuilles lors d’une future correction, même si cette approche a peut-être échoué lors des corrections plus sévères », peut-on lire dans le document d’OShaughnessy.

Michel Boutin, président de Mérici Services financiers, abonde dans le même sens. « Le dividende a assurément sa place dans les portefeuilles. » Il privilégie l’approche axée sur les fonds d’investissement plutôt que sur la détention de titres individuels, « parce qu’il y a présence d’un gestionnaire, et en raison de la diversification offerte. » D’autant que les frais de gestion ne sont pas nécessairement une barrière à l’entrée pour ces types de fonds et, surtout, parce qu’ils peuvent offrir un avantage fiscal additionnel et une plus grande souplesse. « Ces fonds sont de plus en plus conçus par les manufacturiers pour maximiser les avantages fiscaux dont profitent les investisseurs. »

Michel Boutin fait référence aux fonds dits « catégorie », toujours plus nombreux, qui ont pour particularité d’adopter la structure de l’entreprise. Ces fonds constitués en société permettent de retarder l’imposition, de changer de catégorie à l’intérieur de la société d’investissement sans déclencher le gain en capital. Certains fonds « catégorie » comprennent des actions américaines, mais ils sont conçus de manière à ce que le dividende soit imposé comme s’il était de source canadienne, a ajouté le président de Mérici.

Dans le cadre d’une telle société d’investissement, le capital est réparti entre différentes catégories de titres, ou différents portefeuilles. L’investisseur peut cheminer de l’un vers l’autre au sein du groupe sans qu’il y ait vente présumée, ni gain (ou perte) en capital afférent. Et lors de la distribution, celle-ci prend la forme d’un gain en capital ou d’un dividende à des fins fiscales. « La partie liquidités du portefeuille, qui génère de l’intérêt, sert généralement à payer les frais de gestion », ajoute Michel Boutin, qui affiche, au passage, un petit faible pour le Fidelity Dividendes.


Cet article est tiré de l’édition de novembre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.