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L’un de vos clients vient de terminer sa dernière journée de travail. À compter de demain, il entreprendra sa nouvelle vie de retraité. Entre deux voyages, les activités de bénévolat et la garde des petits-enfants, il se demande d’où viendront ses revenus pour les prochaines décennies.

Vous lui réexpliquez qu’il touchera une rente de retraite d’employeur, qu’il est admissible aux prestations de retraite du RRQ, qu’il a de l’argent dans son REER, etc. Puis il redemande si son fardeau fiscal ne sera pas trop élevé. Cette question pertinente comporte plusieurs aspects et donne lieu à certaines stratégies qu’il convient de discuter avec votre client.

Directeur de la planification successorale chez Richardson GMP et chroniqueur à notre site jumeau Advisor.ca, Mike George passe en revue les notions fiscales importantes à considérer.

ATTENTION AUX RÈGLES D’ATTRIBUTION
Le fisc a instauré des « règles d’attribution » afin de limiter les stratégies d’évitement fiscal liées au fractionnement à outrance du revenu entre conjoints. Par exemple, si vous prêtez de l’argent à votre enfant mineur pour qu’il réalise des placements, les revenus générés vous seront attribués et imposés entre vos mains. Ce cas est bien connu.

L’est moins la situation où un mari prête ou transfère un immeuble à revenus au nom de son épouse, dont on présume qu’elle gagne beaucoup moins que lui. Bien que ce soit elle qui encaissera les revenus de location, ceux-ci seront attribués au mari, dit Mike George. Même chose si elle vend l’immeuble, ajoute-t-il. Notez que si le transfert de l’immeuble se fait au bénéfice d’une personne mineure, tout en gain en capital ne sera pas attribué au propriétaire du bâtiment, nous apprend-il.

Mais un tel scénario impliquant un transfert d’immeuble à revenus ne devrait concerner qu’une poignée de vos clients. En revanche, les transferts d’argent entre conjoints sont des opérations plus fréquentes. Dans ce cas, Mike George conseille d’exploiter au maximum les avantages que recèlent les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI), qui échappent aux règles d’attribution et qui permettent d’élaborer des stratégies intéressantes de fractionnement du revenu.

LES PRÊTS ENTRE CONJOINTS
Autre possibilité de fractionner ses revenus : les prêts entre conjoint. Voici un exemple. Charles gagne des revenus élevés. Son taux d’imposition est au maximum de l’échelle. Sa femme Marlène, elle, a un revenu imposable beaucoup moins important. Afin de réduire leur facture fiscale totale, Charles pourrait prêter de l’argent à Marlène au taux prescrit par le gouvernement (1 % au moment de mettre en ligne), et ce serait elle qui ferait tous les investissements du couple.

Les revenus de placement (nets du 1 % payé à Charles) seraient alors imposés entre les mains de Marlène, à un taux bien inférieur à celui de son mari. Comme il s’agit d’un prêt entre conjoints au taux prescrit, aucune règle d’attribution ne s’appliquera, et ce, même si le gouvernement augmente le taux prescrit par la suite.

Pour que le fisc accepte cet arrangement, Marlène doit réellement verser à Charles les intérêts annuels. Celui-ci les ajoutera à ses revenus pendant que Marlène les déduira comme frais encourus dans le but de gagner des revenus de placement.

DIVISER LES PRESTATIONS DE RETRAITE DU RRQ
Le Régime de rentes du Québec (RRQ) et le Régime de pension du Canada permettent aux conjoints de diviser entre eux les prestations de retraite qu’ils versent. Cette stratégie a pour but de diminuer l’impôt global du couple. Au Québec, des conditions s’appliquent, mais il n’est pas nécessaire que les deux conjoints aient cotisé au régime pour bénéficier de cette mesure d’allégement fiscal. Toutefois, si les deux ont cotisé au RRQ, ils doivent tous les deux recevoir la rente de retraite pour que leurs prestations soient divisées.

ÉVITER LA RÉCUPÉRATION DE LA PSV
Contrairement aux prestations de retraite du RRQ, la Pension fédérale de la sécurité de la vieillesse (PSV) ne peut pas être fractionnée entre les conjoints. En outre, elle est sujette à une récupération par le gouvernement dès que le revenu personnel net du bénéficiaire atteint un certain niveau (67 668 $ pour le premier trimestre de 2011). À partir de 109 607 $, la PSV n’est plus versée.

Mike George constate que de nombreux retraités touchent des revenus d’intérêts et de dividendes générés par leurs placements. Or, ces montants sont pris en compte dans le calcul du revenu personnel net. Il dit que les conseillers devraient suggérer à leurs clients d’investir dans des produits financiers dits fiscalement avantageux. Ceux-ci versent des distributions composées en bonne partie de remboursement de capital qui est exclu du calcul de la récupération de la PSV.

Dans le même ordre d’idée, Mike George recommande de faire attention aux revenus de dividendes. Bien qu’ils donnent droit à de généreux crédits d’impôt, les contribuables doivent en majorer le montant de 44 % avant de réclamer les crédits. Ce faisant, ils augmentent artificiellement leurs dividendes, ce qui pourrait affecter leur PSV.

FRACTIONNER LES REVENUS DE PENSION
Depuis 2007, Ottawa et Québec permettent aux conjoints de fractionner entre eux les revenus de pension provenant des REER, des FEER et des caisses de retraite d’employeur. Cela permet aux contribuables qui touchent un revenu de pension d’en allouer 50 % à leur conjoint. Lorsque cette mesure a été mise en oeuvre, on a estimé qu’elle se traduirait par une économie moyenne d’impôt de 286 $ par ménage québécois.

Par exemple, prenons un couple qui touche des revenus de retraite admissibles de 50 000 $. L’un des conjoints gagne tous les revenus, alors que l’autre ne reçoit rien. En partageant les revenus moitié-moitié, ce couple profitera d’une réduction d’impôt de 828 $, soit près de 10 % de moins que ce qu’il aurait payé dans l’ancien régime.

Par ailleurs, si ce couple gagne 75 000 $ à raison de 60 000 $ pour le conjoint A et de 15 000 $ pour le conjoint B, la baisse d’impôt sera de 628 $.

Notez que le fractionnement des revenus de retraite existe depuis des années au Québec et au Canada, grâce aux REER et aux FERR de conjoint.

L’EXEMPTION D’IMPÔT SUR LA RÉSIDENCE PRINCIPALE
La plupart des clients de Mike George possèdent deux ou plusieurs propriétés : maison familiale, chalet à la campagne et résidence aux États-Unis. Quand vient le temps de vendre l’une d’elles, il faut prendre le temps de désigner celle qui sera élue résidence principale. En effet, le gain en capital issu de la disposition de la résidence principale est exempt d’impôt. Par contre, celui réalisé sur toutes les autres résidences, qui deviennent secondaires par la force des choses, doit passer par les mains du fisc. Or, il peut être plus difficile qu’on le croit de désigner la bonne propriété comme étant la résidence principale. Pour ne pas faire perdre des milliers de dollars à leurs clients, les conseillers doivent donc examiner attentivement cette question et, en cas de doute, demander un avis d’expert sur ce sujet.

Pour terminer, Mike George rappelle que les propriétaires de PME comptent généralement sur la vente de leur entreprise pour financer leur retraite. Les impacts fiscaux résultant de cette disposition d’actif peuvent avoir des conséquences dévastatrices si elle n’est pas planifiée avec soin. Pour tirer le maximum de ce que permet la Loi de l’impôt sur le revenu, un entrepreneur peut demander aux membres de sa famille de devenir actionnaire de sa société.

De cette façon, on peut étendre la déduction de 750 000 $ accordée sur le gain en capital issu de la cession des actions à tous les membres de la famille qui acceptent de devenir actionnaires », indique Mike George. Il s’empresse d’ajouter que de nombreuses conditions doivent être respectées. Il faudra également procéder à un gel successoral. Ici aussi, l’aide d’un spécialiste en fiscalité sera requise pour mener à bien cette opération.