Je vous rassure d’emblée : loin de moi l’idée de vous servir, en ce début d’année, un discours moralisateur sur l’importance de prendre de bonnes résolutions et de prendre soin de sa santé. Je laisserais à d’autres ayant une meilleure crédibilité et un meilleur profil (physique) que moi le soin de le faire…

Cependant, permettez-moi cette petite introduction pour mieux vous expliquer celui-ci.

Un jour, en prenant un café avec un avocat spécialisé en droit médical, j’apprenais à ma grande stupéfaction un fait troublant : « Que c’était inévitable… Que presque chaque chirurgien spécialiste commettrait tôt ou tard une erreur médicale. Que ce n’était pas tant le ‘’si’’ qui importait, mais plutôt le ‘’quand’’ ça arriverait. »

Sur la même lancée – et peu avant les fêtes –, les médias rapportaient qu’un hôpital du centre-ville avait recensé un nombre record d’erreurs médicales en 2010 : plus de 3 500 pour un seul et même hôpital. Vous me direz que c’est très compréhensible pour certains médecins travaillant parfois plus d’une centaine d’heure semaine.

Bonne affaire peut-être pour l’avocat, mais nos premières pensées devraient aller aux pauvres victimes dans tout ça.

J’ai cependant retenu une autre chose du discours de cet avocat : celui-ci m’a informé que la grande différence entre perdre ou gagner un procès résidait (outre l’expression grotesque « How mutch justice you can afford ») dans la bonne préparation avant le procès et dans l’accumulation de faits irréfutables ! En termes clairs, plus la preuve est béton, percutante et indéniable, plus les chances de victoire seront présentes… Mais encore faut-il que le dossier soit bien constitué et documenté.

« Ouais, mais ça ne nous concerne pas »
Aux États-Unis, c’est désormais monnaie courante, donc très coutumier, de voir des avocats se prélasser près de salles d’opération à la recherche de nouveaux clients potentiels. Mais c’est sans joie que je vous informe que c’est aussi fréquent de voir des successions poursuivre des conseillers financiers et leurs firmes… Ah, ah ! Je viens d’attirer votre attention n’est-ce pas ?

Oui. C’est un phénomène de plus en plus courant et ne soyons pas dupes, car, comme un certain dicton le souligne, quand eux attrape le rhume, c’est pour nous la toux qui s’ensuit aussitôt. Et vu que nos urgences débordent (dans notre industrie, grâce aux déboires boursiers et aux scandales financiers), raison de plus pour se prendre en main…

Vous avez devinez que je parlais de prendre en main nos pratiques professionnelles. Comme mentionné plus tôt, personne n’est à 100 % à l’abri d’une poursuite. Mais nous avons la responsabilité d’être prévoyant, sur nos gardes et, au pire, de bien nous y préparer, le cas échéant.

Une de mes bonnes connaissances, qui siège toujours au comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, m’a souligné qu’en fait, peu de poursuites initialement déposées se retrouvaient au final en discipline, d’où les statistiques très enviable de seulement 50 radiations sur 32 000 conseillers. Et, pour la plupart, il s’agissait des cas des profils d’investisseur et/ou des seuils de tolérance au risque qui n’avaient pas été respectés en ce qui concerne les placements. Bref, le cas classique : le client qui se disait Très Conservateur et le produit proposé par le conseiller qui était trop audacieux. Et là, c’est bien souvent la parole de l’un contre la parole de l’autre.

Quatre suggestions à faible coût
En ce sens, voici quatre pistes de solution qui devraient vous intéresser, et ce, à coût modique :

1) En premier lieu, et c’est un must en 2011 : procurez-vous un enregistreur vocal au bureau. Évidemment, conservez ensuite tout enregistrement de conversation avec un client. Coût unique et approximatif : 300 $.

2) Ayez un bon gestionnaire et classez les courriels de vos clients. Conservez et classez adéquatement tout courriel reçu et aussi envoyé. Souvenez-vous : les paroles s’envolent mais les écrits restent. Coût d’un bon logiciel : 400 $.

3) Équipez-vous d’un bon scanner. Numérisez tout, tout, tout ! Document juridiques, fiches clients, propositions offertes, ABF, avis de comparaison, planifications financières, lettres envoyées aux clients, profils d’investisseur remplis et signés etc. Coût unique : environ 700 $.

4) Dernière suggestion et — je le concède — pas la plus facile : faites signer toute réfutation ou non adhésion à vos services offerts. Voici un exemple : si un client décide de son plein grés de ne pas suivre les recommandations que vous avez émises, il est essentiel qu’il s’engage par écrit en ce sens. À vous de trouver la bonne méthode pour ce faire, mais souvenez-vous qu’il est impératif de le faire. Sinon, c’est la succession de ce dernier que vous aurez possiblement sur le dos. Souvenez-vous : vous êtes des professionnels et, si un patient refuse de se faire soigner ou d’arrêter de fumer, sa succession ne doit pas pouvoir vous poursuivre à la suite d’un cancer du poumon. Je suis conscient que ça vous apparaît, à première vue, complètement insensé, mais, chez nos voisins du Sud, c’est une autre réalité dont plusieurs conseillers paient un très fort prix…

Petite parenthèse : (OK, je vous entends me dire : « Ouais mais, Léon, mes clients ne sont pas aussi malhonnêtes que ça. Pourquoi devrais-je investir autant pour me protéger d’eux ? » Réponse : toutes les grandes institutions et entreprises de service le font déjà, et ce, depuis belle lurette. Et celles-ci n’ont pourtant pas la moitié des exigences en conformité que nous avons. Oui, je suis pleinement d’accord avec vous, la très grande majorité de nos clients sont honnêtes. Mais il suffit d’un seul qui serait mal intentionné pour faire basculer votre carrière en l’air, et pour de bon ! Et, surtout, si ce client est fortement motivé par le conseiller de l’institution dont vous venez tout juste de faire sortir les fonds. Car j’ai été surpris de l’apprendre, mais près de 80 % des plaintes seraient initialement faites par des conseillers. En d’autres termes, c’est souvent le conseiller qui dépose une plainte contre un autre de ses semblables. Nous sommes dans une belle industrie, n’est-ce pas ? Donc, je suis d’accord qu’il ne faut pas jeter la pierre à nos clients, mais plutôt à nous-mêmes). Fin de la parenthèse.

Ainsi, avec ces simples suggestions, vous serez beaucoup mieux outillés pour faire face à une éventuelle plainte, poursuite ou inspection par les autorités réglementaires. Vous serez par le fait même plus confiants et à l’aise dans vos activités professionnelles respectives. C’est le bonheur, en ce début d’année, que je vous souhaite. Vous le méritez bien.

Bon succès à vous !

Léon

Planificateur financier, assureur vie agrée et conseiller indépendant dans la région de Montréal, Léon Lemoine compte près de 20 ans d’expérience dans l’industrie. Il fut un des membres fondateurs et président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec. Il est père de deux enfants et un entraîneur dévoué de football amateur.

Site web du RICIFQ : www.regroupement.ca.