Saksan Maneechay / 123RF

« Summum ius, summa iniuria », disait Cicéron à l’époque de Jules César. Traduction : l’application excessive du droit conduit à l’injustice.

Dans un billet précédent, je dénonçais les textes alambiqués et incompréhensibles de nos législateurs. J’en critiquais la piètre qualité. Aujourd’hui, je vais parler de leur quantité, et de leurs contradictions meurtrières.

Je lisais récemment dans une chronique de Lise Ravary la honte de notre société frappée de règlementite aigüe :

  • Des ambulanciers refusent de porter secours à un motoneigiste accidenté et gravement blessé, car un protocole ministériel stipule que leur responsabilité s’arrête à la limite de la route. Un mort, un meurtre!
  • Un chirurgien n’a pas opéré un patient dans un état gravissime parce que de nouvelles règles administratives lui interdisaient de le faire à cet endroit. Un autre mort, un autre meurtre!

Deux morts pour le protocole! Vous me direz que, dans les services financiers, la règlementite aigüe ne tue pas. En êtes-vous certain?

La procédure au service de quels intérêts?

Lorsque j’étudiais en droit à l’Université de Montréal (diplômé en 1961), mon professeur de procédure civile nous enseignait que la procédure est un outil au service du droit, une aide à l’application de la Loi. Un demi-siècle plus tard, la situation s’est inversée : nos législateurs ont pondu des logorrhées, des torrents, des fleuves de textes de lois, de règlements, de codes de déontologie ou d’éthique pleins de contradictions qui font le bonheur des avocats.

Montesquieu doit se retourner dans sa tombe et se demander pourquoi il a écrit De l’esprit des lois. La procédure n’est plus au service de la loi ; c’est la loi qui est au service de la procédure! Est-il besoin de mentionner à qui ce crime profite? La judiciarisation a dépassé les limites de la raison et de l’humanité.

Obsolescence programmée

Les autorités réalisent qu’il y a un problème et révisent la loi 188. Une fois de plus, elles vont nous proposer – nous imposer – de nouvelles règlementations. Ces dernières nous offriront un luxe de détails et de précisions qui les condamneront à une obsolescence quasi-immédiate de par leur difficulté d’application et leurs contradictions. Elles oublieront l’essentiel : la dimension humaine et subjective.

Messieurs les législateurs, relisez donc Montesquieu avant que le poids de vos trop nombreux textes meurtriers ne cause, parmi les conseillers en services financiers, quelque mort par étouffement administratif. Il ne sera même pas mort pour la Patrie et restera le soldat inconnu.