La génération du baby-boom représente peut-être le segment le plus lucratif en ce moment, mais c’est sur les bancs d’école que les institutions financières canadiennes recrutent leurs nouveaux clients, établissent leur image de marque et trouvent des débouchés à long terme pour leurs produits.

Selon des analyses effectuées par les deux plus importantes banques au pays, c’est principalement grâce à des réseaux sociaux tels que les blogues et des sites Web comme Facebook qu’elles réussiront à s’attirer la faveur des jeunes.

Ce segment de population étant généralement caractérisé par une diète composée de bière et de macaroni au fromage, il n’est pas surprenant qu’il soit difficile pour plusieurs de les considérer comme des clients potentiels pour des produits et services financiers. Mais au moins deux banques ont décidé de prendre ce marché très au sérieux.

Judy Murchison, directrice des stratégies de mise en marché auprès des étudiants chez RBC, affirme que la tranche des 18-25 ans représente une des pierres angulaires de la stratégie de mise en marché à long terme de la banque. «En fait, ce sont les clients de demain, d’où leur importance vitale», souligne-t-elle.

Selon Mme Murchison, des études ainsi que des groupes de consultation ont permis de déterminer qu’un des principaux facteurs de rétention à long terme consiste à accompagner les clients lors des étapes importantes de leur vie, tout particulièrement lorsque leur situation financière est précaire. Et les années consacrées à l’obtention d’un diplôme postsecondaire en sont un excellent exemple.

«De leur propre aveu, c’est avant qu’on se soit intéressé à eux que nous devons être présents», dit-elle. «Une fois qu’ils sont des clients en demande et possèdent une maison, un prêt hypothécaire, un chalet, un REER et une foule d’autres choses, tout le monde se les dispute. Par expérience, nous avons appris que c’est en étant présent au moment où ils en ont le plus besoin qu’on s’assure leur loyauté.»

RBC a déjà tendu une perche aux étudiants en dévoilant le 27 août dernier son propre groupe d’utilisateurs sur le populaire site de réseautage Facebook. La banque prévoit également lancer le site RBC p2p, un réseau poste à poste dont la gestion sera confiée à des blogueurs étudiants rémunérés. Ces initiatives viendront appuyer les différentes campagnes de mise en marché destinées aux jeunes, comme par exemple l’envoi de jeunes représentants sur 20 campus universitaires et la revitalisation de la gamme de produits de RBC afin que cette dernière corresponde aux besoins de ce segment démographique(ex. comptes pour étudiants sans frais mensuels).

Mme Murchison croit que les initiatives ayant pignon sur rue sur Internet, qui sont gérées par des étudiants, sauront attirer les jeunes qui passent beaucoup de temps en ligne et qui accordent énormément d’importance au fait de se sentir respecté et d’appartenir à une communauté.

«Vous ne pouvez tout simplement pas attendre qu’ils viennent à vous. C’est sur leur propre terrain que vous avez les meilleures chances de communiquer avec eux. L’information véhiculée doit être utile et vous devez vous montrer respectueux à leur égard», dit-elle.

RBC n’est pas la seule institution financière à s’intéresser aux réseaux sociaux; TD Canada Trust a elle aussi dévoilé mardi dernier son groupe d’utilisateurs Facebook intitulé «TD Money Lounge», lequel représente un des volets d’un projet pilote d’une durée de six mois visant à approcher les étudiants branchés.

«En termes absolus, ce segment démographique est plus important que la génération du baby-boom. Ces derniers ont su façonner leur environnement à chaque étape de leur vie, et je crois que la génération montante fera de même», affirme Su McVey, vice-présidente à la segmentation de la clientèle et à la stratégie chez TD Canada Trust. «Nous apprenons donc à communiquer avec eux afin d’être présents lorsqu’ils auront besoin de davantage de produits financiers.»

Selon Mme McVey, des recherches effectuées par la Banque TD démontrent que les étudiants qui poursuivent actuellement des études postsecondaires sont conscients qu’ils seront éventuellement appelés à remplacer la génération du baby-boom, et ils désirent que les entreprises accordent davantage d’importance à leur potentiel qu’à leur statut actuel.

«Il se peut que les entreprises ne les perçoivent pas de la même façon. Plusieurs étudiants qui obtiendront sous peu un diplôme professionnel savent que leur revenu sera supérieur à la moyenne et qu’ils auront besoin de services financiers», dit-elle. «Les membres de ce segment démographique désirent qu’on les perçoive pour ce qu’ils deviendront, et non pour ce qu’ils sont en ce moment, soit des étudiants ou de jeunes adultes.»

Rob Gerlsbeck est éditeur associé pour le compte de Marketing Magazine et spécialiste des techniques de mise en marché électroniques. Il affirme que bien que le potentiel actuel des réseaux sociaux sur le Web soit très intéressant, ces derniers ne se sont pas montrés à la hauteur jusqu’à maintenant à titre d’outils de mise en marché.

«C’est la façon dont les gens communiquent en ce moment, et c’est pourquoi les spécialistes de la mise en marché s’y intéressent», dit-il. «À titre d’exemple, Toronto faisait office de capitale mondiale pour Facebook jusqu’à il y a environ un mois. Maintenant, c’est Londres qui occupe le premier rang, bien que plusieurs internautes canadiens continuent d’y évoluer.»

Comme le fait remarquer M. Gerlsbeck, ces sites reposent sur le principe voulant que le contenu soit rédigé par les utilisateurs. Tenter d’y diffuser un message promotionnel de façon contrôlée risque de s’avérer difficile et risque même de pousser les membres de la communauté à se désintéresser de la plate-forme où le message est véhiculé.

«Le contenu se doit d’être très intéressant, et c’est justement ce qui risque de poser problème pour les spécialistes de la mise en marché qui ne passent pas tellement de temps sur Facebook ou sur les blogues», précise-t-il. « On parle de médias sociaux justement parce que les gens sont en mesure de s’exprimer librement. Ils peuvent parler de leurs problèmes, ou encore de leur vie en général. Ils peuvent se montrer à la fois sarcastiques et drôles. Si on n’y voit qu’un outil de mise en marché unidirectionnel où les consommateurs n’ont pas la possibilité de communiquer entre eux, ça ne fonctionnera probablement pas.»

Par contre, si les banques savent se montrer transparentes et respectueuses des normes du réseau, une stratégie de la sorte pourrait se montrer à la fois économique et fort efficace auprès d’un public jeune. Et ce même si le contenu n’est pas attrayant au premier abord.

«Ce qu’il y a d’intéressant avec les médias sociaux, c’est que même les choses les plus étranges suscitent l’intérêt», dit-il. «À mon avis, les institutions financières sont présentement en train de se faire les dents, de voir ce qui fonctionne. Elles n’investissent probablement pas massivement. Ainsi, si la campagne s’avère être un échec, elles n’auront pas perdu des millions.»