Ne vous laissez pas trop emballer par la vigueur de la croissance économique du début de l’année. Les mois à venir seront plus lents que la plupart des observateurs le prédisent, estime John Braive, vice-président du Conseil à Gestion d’actifs CIBC.

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« Beaucoup de gens disent que la croissance va s’accélérer, non seulement en Amérique du Nord mais au niveau mondial. À notre avis, ils sont un peu trop optimistes. Pour différentes raisons, nous pensons que la croissance sera moins solide que ce que la plupart des analystes prédisent », dit John Braive, lors d’une entrevue réalisée avant celle du gouverneur de la Banque du Canada (BdC) avec CBC le 13 juin.

Stephen Poloz y affirmait que l’économie s’améliorait, mais qu’il fallait demeurer vigilant comme certains secteurs continuaient à traîner de la patte. Selon le gouverneur, les baisses de taux d’intérêt « ont fait leur travail ». La BdC évalue actuellement si de telles mesures sont toujours requises.

Les économies de la Chine et des États-Unis devraient toutes deux ralentir et influencer ainsi la cadence mondiale, pense cependant John Braive. Quant au Canada, un ralentissement de la croissance est à prévoir. Bref, rien pour s’enthousiasmer outre mesure !

« Nous sommes en-dessous du consensus concernant les prévisions de croissance pour l’Amérique du Nord. Celui-ci est autour de 2,3 % pour les 12 prochains mois tandis que nous entrevoyons 1,9 % », dit l’expert.

Parmi les coupables, selon lui : les exportations, l’immobilier, et l’investissement dans les structures non-résidentielles.

« Au Canada, nous avons eu des chiffres solides, en grande partie grâce aux consommateurs et un peu grâce aux investissements. Mais désormais, en raison du haut niveau d’endettement et des risques croissants de correction dans l’immobilier, nous devrions voir un ralentissement de la consommation globale au pays. Nous n’aurons pas les 4 % du premier trimestre mais plutôt 1,5 % », entrevoit John Braive.

L’inflation le préoccupe particulièrement, car c’est l’un des vecteurs principaux des taux d’intérêt.

« Plusieurs économistes voient l’inflation croître aux États-Unis en raison de la hausse des salaires. C’est une histoire qu’on entend depuis quelques temps déjà. Depuis que le chômage a baissé, les gens ont prédit une hausse de l’inflation mais elle n’est toujours pas survenue », dit John Braive.

Selon lui, beaucoup de personnes ne sont pas comptées dans la population active et échappent aux chiffres officiels du chômage et de l’emploi. C’est le cas de 23 millions d’Américains dans la catégorie clé des 25 à 54 ans. « C’est la période de la vie où les gens sont supposés s’enrichir, et investir dans leur carrière et dans leur famille. Et malgré l’expansion économique en cours, 23 millions de gens de cette catégorie ne participent pas au marché de l’emploi. C’est 5 millions de plus qu’avant la crise de 2008 », dit John Braive.

« L’autre coupable est la mondialisation, qui a éliminé beaucoup d’emplois non qualifiés ainsi que des emplois payants. Ce phénomène ne changera pas et va continuer de faire pression sur les salaires aux États-Unis », poursuit-il.

D’autres raisons sont évoquées, telles que l’absence de compétences recherchées ou encore la dépendance à des drogues. Mais quelle que soit la raison, le résultat reste le même : la catégorie des 25-54 ans a vu baisser sa participation au marché de l’emploi.

Enfin, le spectre des technologies demeure pesant sur l’économie nord-américaine. En effet, selon M. Braive, « les Amazon de ce monde font pression sur les détaillants traditionnels. Les technologies provoquent de nombreuses transformations, que ce soit dans le domaine des soins de santé ou dans la productivité des entreprises. Tout cela fait pression sur les prix. C’est une tendance séculaire qui va se poursuivre. Enfin, le vieillissement de la population influence les comportements d’achat. Plus on vieillit, plus on devient frugal. Tout cela nous indique qu’il n’y a pas de pression inflationniste, et que les banques centrales peuvent encore attendre avant de rehausser leurs taux. »

« Mais les États-Unis haussent leur cible d’inflation de toute façon et la Banque du Canada pourrait saisir cette occasion pour renverser sa baisse de taux d’un demi-point de pourcentage de 2015, alors que l’économie canadienne s’est maintenant remise de la chute des prix du pétrole et des incendies de Fort McMurray », ajoute-t-il.

Il n’est pas le seul à escompter un geste plus rapide que prévu de la part de la BdC. Devant les indices qu’elle a laissés pointant vers une hausse des taux, la Scotia, la Banque nationale, Desjardins et la CIBC ont toutes annoncé une augmentation pour octobre. Il s’agirait de la première hausse de taux de la BdC en près de sept ans.