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Il nous semble tellement évident que le travail d’un conseiller soit de conseiller son client que nous ne devrions même pas en parler. Et pourtant les Autorités en font une obsession constante et aveugle et les médias ne parlent que de cela.

Tout aussi évident est ce qui découle de cette définition : une obligation naturelle d’agir de bonne foi, de comprendre le client et ses objectifs, de prodiguer des conseils éclairés, etc. C’est une obligation de diligence et non de fiduciaire comme le souligne fort bien Me Julie-Martine Loranger dans sa chronique parue le 13 juin 2022 dans Finance et Investissement« L’affaire Boal c. International Capital Management »).

Dans cette vision de la profession, le conseiller doit consacrer du temps à se perfectionner, à veiller constamment à préserver son indépendance de jugement afin de ne pas être un vulgaire vendeur de produits financiers et donc à se méfier des compagnies qui l’emploient. Il doit s’assurer que ces dernières ne le considèrent pas que comme un vendeur, car c’est là leur principale source de revenus, ce qui est probablement le cas sauf peut-être pour les groupes de conseillers indépendants. Le conflit d’intérêts est éternel.

Dans notre petit univers financier, la règlementation a remplacé la formation.

Un automatisme règlementaire informatisé a remplacé le bon vieux jugement humain. Bien sûr, un bon jugement humain exige, dans un domaine spécifique, une solide formation professionnelle, tant initiale que continue. Ceci est aussi vrai pour un conseiller que pour un ingénieur, un médecin ou un avocat.

Selon moi, les Autorités ne nous enseignent aucunement comment choisir un excellent investissement ou une assurance vie adéquate, mais seulement à cocher des cases dans de multiples formulaires (KYC, KYP, ABA, etc.) qui seront interprétées par les ordinateurs et les logiciels des services de conformité peuplés de braves gens qui n’ont pas d’expérience ni du conseil financier ni du terrain.

La dernière invention des Autorités est la RAC ou Réforme Axée sur le Client.

Relisons l’article d’Alizée Calza (« Difficile adaptation aux RAC », Finance et Investissement -19 avril 2022) sur la prise de notes: C’est une véritable judiciarisation du processus. Bientôt, les Autorités, dans leur vision suprême et unique du détail, nous obligeront à enregistrer toutes nos conversations avec nos clients. Certes, prendre des notes pour garder les traces des décisions prises et de leur pourquoi est utile. En effet : « verba volant, scripta manent » ou en langue ordinaire « les paroles s’envolent, les écrits restent ».

À force de vouloir protéger, les Autorités déresponsabilisent la personne humaine, tant le conseiller que le client, et, ce qui est plus grave, annihilent les volontés et les désirs d’initiative et d’invention qui ne peuvent s’exercer que dans la liberté de pensée et d’action (Relisons « La route de la servitude » de Friedrich A. Hayek, prix Nobel d’économie, 1974).

Cette logorrhée de règlementations ressemble étrangement à une AMM (Aide médicale à mourir) pour notre profession.

Mais où sont donc les grands penseurs de notre temps ? Y en a-t-il seulement ?

Les opinions émises dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de Conseiller.