Baisse des marchés
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La maîtrise de l’inflation va entraîner de la « douleur » mais pas forcément une récession, croit Avery Shenfeld, économiste en chef de la CIBC.

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« La CIBC, en termes de prévisions, n’a jamais été dans le camp de la récession pour 2023. Nous nous attendions plutôt à quelques trimestres négatifs, et à une absence de croissance pour le début de l’année. Il semble que ce scénario surviendra plutôt au troisième ou au quatrième trimestre, mais ce n’est qu’un retard dû à la résilience inattendue de l’économie face à la hausse des taux d’intérêt. Ce n’est vraiment qu’un sursis, car nous verrons certainement un ralentissement avant que l’inflation ne soit contrôlée, et les banques centrales se sont engagées à maintenir leurs taux jusqu’à ce que cela se réalise », observe Avery Shenfeld.

L’expert entrevoit un « atterrissage en douceur » tant au Canada qu’aux États-Unis, ou en d’autres termes « une série de trimestres avec zéro croissance ». Il dit avoir été surpris par la vigueur du marché de l’emploi en début d’année, mais estime que cela s’explique par l’impact décalé de la forte demande observée l’an dernier. Les entreprises ne parvenaient pas à trouver de candidats, et bien qu’elles aient fini par remplir les postes vacants, cela ne signifie pas qu’elles vont en créer de nouveaux.

« Le chômage demeure très, très bas dans nos deux pays, et nous sommes tout de même parvenus à faire baisser l’inflation. Les prix mondiaux des matières premières se sont relâchés, notamment le pétrole, de même que certaines denrées alimentaires. Il est possible que l’inflation à l’épicerie ralentisse en conséquence », estime Avery Shenfeld.

Il croit qu’une période sans croissance suffira à ramener l’inflation vers la cible de 2 % des banques centrales, sans forcément entraîner de récession.

« On n’assistera pas à une « immaculée désinflation ». On aura besoin d’une certaine douleur économique, mais pas d’une totale récession. Beaucoup d’économistes en ont prévu une d’ici la fin 2023, mais c’est une mauvaise interprétation des signaux américains en termes de PIB. Le risque demeure, bien sûr, mais ce n’est certainement pas nécessaire pour maîtriser l’inflation », poursuit l’expert.

Le plus grand risque selon lui serait que la banque centrale américaine tombe dans l’excès de zèle avec ses hausses de taux. La Fed doit continuer d’augmenter ses taux pour obtenir le ralentissement souhaité, comme elle l’a déjà fait par le passé, mais il lui est aussi arrivé d’aller trop loin et de plonger l’économie dans une récession.

« Au Canada, nous avons le luxe d’observer un certain progrès du côté de l’inflation et d’avoir une banque centrale qui comprend que les hausses de taux n’ont pas encore eu leur plein effet, car beaucoup de gens n’ont pas encore renouvelé leurs prêts hypothécaires. La Banque du Canada a eu la sagesse de marquer une pause, et s’il n’est pas certain que les hausses de taux soient terminées, elle veut donner à l’économie quelques mois pour montrer son vrai visage, et alors elle décidera s’il est nécessaire de serrer encore la vis. Nous espérons que les hausses de taux déjà effectuées seront suffisantes pour maîtriser l’inflation d’ici l’an prochain. Mais il est certain que les espoirs de voir les taux rebaisser rapidement au cours de 2023 se sont maintenant envolés. Il faudra attendre au moins jusqu’en 2024 », indique Avery Shenfeld.

L’économiste s’attend à voir la Fed hausser encore ses taux de 50 ou 75 points de base, et en conséquence de cette détermination, il croit que les États-Unis et le Canada pourront retrouver dès 2024 un « monde où l’inflation est à 2 % ».

« Les marchés d’actions se sont ajustés à un environnement de taux élevés, mais je ne crois pas qu’ils en réalisent encore les conséquences au niveau des profits des sociétés. Il ne sera pas possible de voir l’économie ralentir sans qu’une bonne partie du secteur privé affiche des résultats négatifs d’une année à l’autre. Les marchés ont réagi positivement à la résilience de l’économie en début d’année, mais les investisseurs tendent à oublier qu’une période de douleur sera nécessaire avant de ramener l’inflation à 2 %, et les marchés d’actions pourraient connaître une autre année difficile », analyse-t-il.

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.