Guichets automatiques du Mouvement Desjardins.
Courtoisie Desjardins

En l’espace de cinq ans, Desjardins a éliminé plus d’un cinquième de son parc de guichets automatiques et fermé 22 % de ses centres de services, rapporte le Journal de Montréal (JdeM) dans son édition de fin de semaine.

Pour la seule année écoulée, durant laquelle le Mouvement a mis en service une nouvelle génération d’appareils, quelque 268 guichets et 86 comptoirs d’accueil ont disparu, ce qui représente « l’une des plus importantes restructurations en 10 ans », note le quotidien. Au 31 décembre 2019, l’institution financière comptait 1 689 appareils et 872 centres de services au Québec et en Ontario. Le JdeM précise que « plusieurs » succursales fermées ont ensuite été transformées en centres automatisés.

Interrogée par le quotidien, la coopérative justifie cette « rationalisation » sans précédent par un souci d’efficacité et de bonne gestion, arguant du fait que ses clients utilisent de moins en moins les guichets automatiques pour effectuer des retraits ou des dépôts d’argent, notamment. Selon ses données, la baisse du nombre d’opérations aurait atteint 14 % en l’espace d’un an, tandis qu’en 2019, seuls 5 % (112 millions) de la totalité des transactions auraient été effectuées à un guichet.

LES FERMETURES POURRAIENT SE POURSUIVRE

« L’implantation des nouveaux appareils est terminée. On peut penser qu’ils vont demeurer en place pour des années. Nous n’avons pas fermé 268 sites. À certains endroits, il y a eu une réduction du nombre de guichets. L’objectif n’est pas de ne plus en avoir, mais de s’adapter à l’utilisation des membres », indique au JdeM Jean-Benoît Turcotti, porte-parole du Mouvement. En 2018, le président de Desjardins, Guy Cormier, avait néanmoins déclaré publiquement que les guichets pourraient avoir disparu d’ici à 2028, rappelle le quotidien.

Questionné sur la poursuite de l’actuelle politique de fermeture de centres de services, le porte-parole reconnaît par ailleurs que celle-ci pourrait se poursuivre durant les prochains mois. « Chaque année, ce sont les conseils d’administration des caisses qui prennent ces décisions. Ils évaluent l’utilisation des services. En 2019, il y a eu des fermetures sur l’ensemble du territoire », conclut-il.

Au cours des dernières années, plusieurs maires de petites et de moyennes municipalités du Québec, notamment dans le Bas-Saint-Laurent, l’Outaouais et le Saguenay–Lac-Saint-Jean, avaient vivement déploré cette baisse de l’offre de services de la coopérative financière. Oscillant « entre déception, amertume et incompréhension», nombre d’habitants de ces localités avaient alors indiqué avoir l’impression d’être « abandonnés », selon les termes de Louise Charron, une cliente de longue date et résidente de Ripon, dans l’Outaouais. En réaction, certaines de ces petites villes avaient mis sur pied, conjointement avec Desjardins et la Fédération québécoise des municipalités, un projet pilote destiné à maintenir des guichets.

DESJARDINS, UNE BANQUE COMME LES AUTRES?

Assurant qu’il était contraint de fermer des points de services en raison de leur non-rentabilité, mais que ses nouveaux appareils étaient « plus performants », l’institution s’était également attiré les foudres de plusieurs élus. Au point que la coopérative avait même été convoquée à l’Assemblée nationale pour expliquer sa vision sur l’accès aux services financiers de proximité en région. De son côté, un ex-président du Mouvement récemment disparu, Claude Béland, avait lui aussi sévèrement critiqué la politique de « rationalisation » de son ancienne institution.  En février 2018, celui-ci avait notamment soutenu que, selon lui, le mandat social des caisses populaires était, petit à petit, passé au deuxième plan, derrière les profits.

Pour Claude Béland, il s’agissait là d’un signe supplémentaire que le service à la clientèle passait désormais derrière les changements imposés par la mondialisation et les nouvelles technologies. Toujours selon lui, ces fermetures évoquaient aussi le rôle prépondérant de la Fédération, dont il jugeait les gens « souvent très directifs » par rapport aux membres des assemblées locales. L’ancien dirigeant estimait également que ces dernières décidaient finalement de peu de choses en raison des pouvoirs que la Fédération s’était arrogés au fil du temps. Enfin, Claude Béland estimait que la participation citoyenne à ces assemblées s’était elle aussi étiolée.

Sa conclusion? En adoptant un « régime minceur » et en fermant plusieurs centaines de succursales et de guichets automatiques dans la province, Desjardins avait perdu son originalité coopérative pour devenir une banque comme les autres. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’il faisait ce reproche au Mouvement. En mai 2015, il avait déjà confié au JdeM ne plus reconnaître l’institution qu’il avait longtemps dirigée, affirmant même qu’elle avait « perdu son âme ».