La diversification internationale est recommandée comme outil de réduction des risques. Pourtant la majorité des investisseurs individuels, courtiers et gestionnaires de fonds préfèrent investir dans les entreprises qu’ils connaissent et qui se situent de préférence près de chez eux. Comment la finance comportementale explique-t-elle ce choix qui peut nuire au rendement de l’investisseur?

Si vous êtes un investisseur de longue date, rappelez-vous comment a été composé votre portefeuille boursier, que vous soyez autonome ou conseiller pour un courtier. Il est probable qu’un pourcentage majoritaire de votre portefeuille ait été investi dans des entreprises bien connues d’ici, comme des actions de la Banque Nationale, la Laurentienne, Bell Canada, Nortel, Alimentation Couche-Tard et bien d’autres.

Il y a un excès d’optimisme pour les titres que les investisseurs connaissent bien et qui sont sur le territoire canadien. Toutefois, cela pourrait occasionner une perte relative du potentiel de rendement sur les marchés étrangers.

Neurone coupable : « Harry Berry »
La raison de cet excès d’optimisme s’explique par un neurone appelé « Harry Berry » situé à un peu plus de deux centimètres de distance des oreilles¹. Comme le passé n’est pas garant de l’avenir, qu’arriverait-il si l’économie canadienne déclinait plus rapidement que celle des autres pays développés, et qu’en contrepartie notre Bourse performait moins bien que les autres, comme ce fut le cas durant les années 1990? Encore une fois, il est fort probable que le neurone « Harry Berry » vous pousse à surinvestir dans les entreprises d’ici que vous connaissez. Ce neurone pousse notre inconscient à acheter ce qui nous est familier. La décision d’investissement rationnelle est repoussée et notre inconscient nous guide vers l’achat local et national.

« Des scanneurs cérébraux réalisés ont montré que lorsque les investisseurs envisagent de placer leur argent dans des marchés étrangers, c’est l’amygdale, un des centres cérébraux de la peur qui entre en action. Ces résultats suggèrent que conserver votre argent en un lieu proche de chez vous génère automatiquement un sentiment de confort et qu’investir dans des actions non familières est par nature effrayant. »²

Ces investisseurs ont l’illusion que d’investir dans les entreprises qu’ils connaissent et qui se situent sur leur territoire présente moins de risque que d’investir dans les entreprises étrangères. Dites-vous que l’investisseur américain pense la même chose des entreprises d’ici, puisqu’il préfère investir dans les sociétés pharmaceutiques locales que dans Jean-Coutu.

Pourtant, ce qui compte c’est la qualité et la valeur de l’entreprise et non pas seulement sa proximité géographique. Vous êtes possiblement plus enclin à acheter des titres d’Apple plutôt que ceux de dizaines d’entreprises de technologie très rentables, mais méconnues de vous. Vous êtes donc plus porté à acheter des titres un peu trop populaires et vous êtes prêts à payer plus cher pour acheter la valeur d’une marque qui a fait ses preuves.

Malheureusement, il est fort probable que vous réaliserez moins de bénéfices à long terme en investissant ainsi. Investir dans des entreprises trop médiatisées rapporterait moins à long terme qu’investir dans les entreprises moins connues ou délaissées. Selon une étude « les actions dont le volume de transactions est le plus élevé ont une plus forte rentabilité sur le court terme, mais à longue échéance, elles tendent à sousperformer à raison de 2 à 5 % par an ».³

Quel comportement adopter pour mieux investir?
L’ablation du neurone « Harry Berry » ne sera jamais la solution. Le plus important c’est d’être conscient de cet effet de familiarité naturel qui nous sécurise. D’autres études ont démontré que les investisseurs locaux ont réalisé de meilleurs résultats avec l’achat d’entreprises locales, car ils les analysaient plus en profondeur, les détenaient plus longtemps et avec plus de patience que les titres étrangers. Toutefois, l’excès d’enthousiasme pour ces titres ne les incitait pas à vendre quand le risque était élevé. Le manque de diversification du portefeuille global a joué de mauvais tours à certains d’entre eux.

Une des solutions à examiner est que chaque fois que vous êtes en processus de décision pour l’achat de titres, dites-vous que ce n’est pas parce que l’entreprise vous est familière qu’il s’agit du meilleur investissement. Un juste équilibre entre le local et l’international optimiserait une judicieuse répartition des actifs.

William-André Nadeau est chroniqueur financier. Il publie aux deux semaines un billet traitant des marchés, de placements et de gestion.


¹ Jason Zweig, Gagner en Bourse grâce à la Neuroéconomie, Chapitre V
² Ibid
³ Ibid