Un des trois slogans de la campagne de CFA Montréal, qui battra son plein jusqu'au 10 avril. (image: Republik)

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec ses trois slogans-chocs, la nouvelle campagne publicitaire de la section montréalaise des CFA (CFA Montréal) frappe en bas de la ceinture :

1- « Le Québec aide beaucoup ses pauvres, mais qui s’occupe des riches »;

2- « Nous sommes des conseillers en placement trop honnêtes pour être connus »;

3- « 80 % des candidats échouent les examens CFA. Et votre conseiller en placement? ».

Voilà donc les trois messages qui sont placardés sur d’énormes panneaux-réclame (format superpanneau!, le long des grands axes routiers de Montréal, depuis le lundi 24 janvier dernier.

Selon la nouvelle agence de publicité dont CFA Montréal a retenu les services, la campagne a été imaginée de manière à accroître la notoriété de la marque CFA, tout en dissipant la confusion possible avec d’autres acronymes professionnels.

Selon les fins stratèges publicitaires, « l’approche créative veut également illustrer les avantages qu’ont les consommateurs à faire affaire avec un conseiller en placement certifié selon les normes CFA. Deux des trois déclinaisons de création font un clin d’oeil (!) à l’actualité journalistique. Une d’entre elles fait suite à la couverture médiatique qui a mis au jour les pratiques douteuses de certains acteurs du domaine des placements en valeurs mobilières (.) », précise l’agence dans un communiqué.

Pour des gens qui se targuent d’être des exemples d’intégrité, ils ont sans doute omis de demander au personnel de leur agence nouvellement choisie, Republik, s’ils avaient un ou des CFA dans leurs rangs!

Parce qu’on le sait maintenant en visitant le site Web de CFA Montréal, les détenteurs du titre de CFA sont irréprochables en matière d’intégrité. De même, on ne peut imaginer qu’un publicitaire détenteur du titre CFA aurait jamais tenté de discréditer les autres professionnels de l’industrie des services financiers. Et de manière aussi démagogique!

Yves Bonneau, rédacteur en chef du magazine Conseiller
Yves Bonneau, rédacteur en chef du magazine Conseiller

Voici d’ailleurs comment ils se décrivent : « Les diplômés CFA se distinguent par leur professionnalisme, leur éthique ainsi que la qualité et l’intégrité de leurs recommandations financières »

Mesdames et messieurs CFA, on vous félicite chaleureusement pour vos standards, mais avez-vous oublié d’en parler à votre conseil d’administration et son président, Vincent Fournier, avant de vous embarquer dans une campagne de dénigrement de la sorte?

On peut d’ailleurs se demander si l’ex-journaliste de La Presse, maintenant représentant principal et directeur du Bureau régional de Montréal (Marchés financiers) de la Banque du Canada, Miville Tremblay, qui a lui aussi été président de l’association CFA Montréal, aurait accepté une telle campagne?

On se rappellera qu’en juillet 2009, M. Tremblay a été soumis aux feux de l’actualité pour avoir entériné la nomination de Mario Lavallée qui était « administrateur » pour Norbourg et Vincent Lacroix. « Nous avons examiné avec beaucoup de soin et de détail son rôle dans l’organisation Norbourg et consulté beaucoup de gens, avait indiqué M. Tremblay à l’époque. Notre conclusion, c’est qu’il a été une victime dans cette histoire, et non un complice. Le comportement de M. Lavallée a été irréprochable », avait alors souligné Miville Tremblay.

Il importe de noter ici que M. Lavallée n’a jamais été accusé de quoi que ce soit dans l’affaire Norbourg. L’exemple sert plutôt à démontrer qu’on a beau être CFA, on ne peut pas tout voir, même au sein de la propre entreprise pour laquelle on travaille. Reste néanmoins que si l’on présentait ces faits dans une campagne de pub à des investisseurs de Norbourg en leur faisant valoir que le titre de CFA est un gage de sécurité, il y aurait probablement quelques commentaires cyniques dans la salle…

Mais puisqu’on parle justement de Norbourg, de CFA, d’intégrité, d’éthique et de professionnalisme, et qu’on semble vouloir donner des leçons à quelque 40 000 conseillers par la bouche des canons d’une agence hyper-créative qui s’inspire librement de l’actualité journalistique en ne lisant que les gros titres, vous ne m’en voudrez pas trop de rappeler à votre bon souvenir quelques compléments d’information sur la plus grande fraude financière du Québec, et qui vous ont peut-être échappés.

C’est ainsi qu’en septembre 2004, dans un restaurant de Québec (le Michael Angelo), l’équipe de direction de Norbourg réunissait les conseillers qui avaient distribué des Fonds Évolution pour les rassurer sur la vision de Norbourg et les conforter dans leurs choix. Voici comment le conseiller Gilles Viel, qui était présent ce soir-là, me décrit la scène : « En septembre 2004, à grands frais, l’équipe Lacroix convoqua tous les représentants des fonds Évolution, tant à Montréal qu’à Québec, pour nous présenter la brochette de toute l’équipe de gestion Norbourg dirigée par Vincent Lacroix M.Sc., Serge N. Beugré M.Sc./CFA, dit le stratège principal et le style de gestion Norbourg, Claude Lemieux, dit l’arbitragiste-conseil, Pierre M. Therrien M.Sc./CFA, directeur de l’ingénierie financière, Sébastien Roy, dit l’analyste stratégique, Patrick Poisson CFA, gestionnaire obligataire, Philippe Béland, dit l’analyste en ingénierie financière, Mathieu Deschêsnes, analyste, J.S. Brossard, analyste, Benoît Crispin, analyste, Claude Boisvenue MBA/Adma.A/PFC/Ing sur les concepts de gestion et Josée Melançon programmeur. Cette présentation se termina par un excellent cocktail et une espèce d’assurance collective que les actifs étaient sous bonne gestion », fait remarquer le conseiller Viel.

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On dirait bien qu’un titre professionnel, ne serait-ce le « gold standard », ne garantit pas automatiquement la droiture du personnage qui s’en affuble. Tous s’entendent pour dire que les CFA, en général, ont raison d’être fiers et sont des professionnels extrêmement compétents qui font honneur à l’industrie. C’est peut-être difficile à admettre, mais les CFA ne sont pas davantage à l’abri des fraudes et autres accrocs à l’intégrité. Les représentants en valeurs mobilières, les planificateurs financiers, les membres de la Chambre de la sécurité financière ont tous, ô surprise, à adhérer à un code de déontologie. Sur le site des CFA, le code ne semble pas être plus sévère que celui des autres acteurs de l’industrie. Bien sûr, les CFA font des études plus approfondies sur la gestion de portefeuille, par exemple, et puis les cours sont hyper-pointus et les examens exigeants, mais l’éthique, le professionnalisme, l’intégrité ça ne se mesure pas sur papier mais à hauteur d’homme ou de femme. [voir ces documents : 1 et 2]

Tout ce scénario, où l’on se sert encore une fois des conseillers en services financiers pour tirer bassement profit de la méconnaissance des investisseurs et des épargnants en leur faisant avaler n’importe quelle couleuvre au profit d’un point de pourcentage du marché des consommateurs, est franchement pitoyable et scandaleux! Il y a environ 2 000 CFA au sein de CFA Montréal. La plupart ne travaillent pas avec des clientèles de petits épargnants ou investisseurs. L’épargnant qui tentera de trouver un conseiller CFA finira peut-être par se dire en désespoir de cause que ça n’existe pas des conseillers fiables, s’il se fie à cette campagne. Et s’il cherche le titre de CFA dans le fameux registre de l’AMF : pas de titre de CFA autorisé! Faudra-t-il changer le slogan : « Nous sommes des conseillers en placement trop honnêtes pour être RE-connus par l’AMF? »

Imaginez les psychiatres dire des sornettes de ce genre sur les psychologues? Encore une fois, il faut sortir des chiffres en exemple.

Voici le nombre de plaintes [voir notre article] portées devant le comité de discipline en 2005 pour le Collège des médecins sur 17 477 médecins, 15 plaintes ont été portées, soit un taux de 0,09 %. À la Chambre de la sécurité financière sur 28 647 conseillers membres, il y a eu 26 plaintes, soit 0,09 %. Là-dessus, il y a eu en tout 21 radiations, suspensions ou interdictions de pratique pour un taux de 0,07 % alors que du côté des médecins, il y en a eu 8, soit 0,05 %.

Même si, au cours des dernières années, quelques conseillers comme Carole Morinville ont fait les manchettes, les taux d’infractions demeurent bien en deçà de certaines autres professions. Mais voilà, les conseillers sont une cible facile, les médias généralistes qui connaissent peu l’industrie en font leurs choux gras souvent sans distinguer les imposteurs comme Earl Jones, des détenteurs de permis de pratique et ça dérape. Mais quand un organisme aussi sérieux que les CFA embarquent dans ce jeu, des gens qui travaillent au sein de l’industrie et qui accusent à tort et à travers, on ne peut laisser passer une aussi grossière calomnie.

Je demeure convaincu que la très grande majorité des CFA au Québec ne partagent pas cette vision caricaturale et propagandiste des conseillers en services financiers québécois, colportée par l’Association CFA Montréal.

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Yves Bonneau, rédacteur en chef
Conseiller