L’Autorité des marchés financiers (AMF) a désormais achevé ses consultations sur l’option d’abandonner les commissions intégrées.

À la suite de la publication, au mois de janvier, du Document de consultation 81-408 des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), elle avait sollicité l’avis des professionnels du secteur et des organismes représentant l’industrie pour « approfondir certains éléments » fournis dans les commentaires reçus durant la période initiale de consultation.

Compte tenu des répercussions potentielles qu’aurait un éventuel abandon des commissions intégrées sur les particuliers, l’Autorité souligne qu’elle a aussi tenu trois séances de discussion le mois dernier avec 27 investisseurs individuels ayant différents profils afin d’obtenir leur point de vue sur cette question.

« NOUS COMPRENONS MIEUX CERTAINES PERCEPTIONS DES INVESTISSEURS »

Ces groupes de discussion avaient notamment pour objectif de valider la perception des investisseurs en ce qui a trait aux services financiers qu’ils reçoivent de la part des courtiers et des conseillers avec lesquels ils font affaire; aux frais qu’ils assument directement ou indirectement pour les services financiers qui leur sont rendus; aux options de rémunération des courtiers et des conseillers et à leur préférence quant à ces options; et à la rémunération du gestionnaire de fonds.

L’AMF affirme que ces échanges « ont été des plus constructifs » et que les points de vue ainsi recueillis lui ont permis « de mieux comprendre certaines perceptions des investisseurs individuels ». « Notre participation à ces différentes activités de consultation témoigne de notre volonté de renforcer notre rôle de régulateur de proximité. Ces rencontres nous ont permis de bénéficier d’un éclairage pertinent sur plusieurs éléments et thèmes soulevés dans le Document de consultation 81-408 », commente Louis Morisset, président-directeur général de l’Autorité, dans le communiqué.

Cette dernière indique par ailleurs qu’elle poursuivra ses travaux, en collaboration avec les autres membres des ACVM, en vue de « déterminer les mesures réglementaires à privilégier pour mitiger les enjeux signalés dans le Document de consultation 81-408 ».

« LES COMMISSIONS NE SONT PAS À LA SOURCE DES CONFLITS D’INTÉRÊTS »

Parmi les dizaines de mémoires reçus durant la période de consultation, ceux de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) et du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) fournissent un éclairage intéressant sur l’état de l’opinion des conseillers et autres Pl. Fin. par rapport à ce dossier particulièrement délicat.

Dans sa longue contribution au débat, l’APCSF soutient notamment que la disparition des commissions intégrées entraînerait une carence en matière de conseils et que « selon [son] expérience, les commissions intégrées ne sont pas à la source des conflits d’intérêts soupçonnés » par les ACVM, ce que confirme d’ailleurs un sondage publié dans leur avis 33-318, puisque celui-ci « ne mentionne aucunement les commissions intégrées comme une source des conflits d’intérêts, mais relève plutôt les pratiques de rémunération qui ont cours dans les sociétés intégrées comme responsables ».

En outre, insiste l’APCSF, « les commissions intégrées ont largement contribué au développement de l’industrie des fonds d’investissement au cours des 25 dernières années, favorisant le financement efficace des conseils et l’éducation du public dans la gestion financière, et en permettant surtout d’élargir l’accès à l’investissement et aux conseils personnalisés pour le grand public ». Enfin, elles permettent « d’établir une norme raisonnable dans les coûts et la rémunération pour le public non initié, qui ne saurait autrement négocier la rémunération de son représentant ». En résumé, l’Association juge que « les frais et commissions intégrées procurent simplicité et commodité par l’intégration de tous les coûts associés à la distribution, aux conseils, à l’administration et à la gestion des fonds ». Sa conclusion? Ce sont les segments de la population les moins éduqués et les moins expérimentés qui seront les plus touchés en cas d’abolition des commissions.

« ON VA EXPOSER LA POPULATION À UN PLUS GRAND RISQUE ENCORE »

De son côté, le mémoire du CDPSF présente une série de graphiques et de sondages donnant le point de vue de plusieurs de ses membres. Après avoir rappelé que « le conseil a un prix », qu’« en début ou en fin de carrière, le principe demeure le même » et que quelle que soit l’importance du compte, « la même rigueur doit s’appliquer », l’organisme souligne que le fait d’abolir les commissions intégrées « n’aiderait en rien à préparer une meilleure relève, qui est loin d’être légion par les temps qui courent ». Et il appelle les autorités de régulation au pays à mettre plutôt l’accent « sur la formation et sur l’importance de bons procédés de planification ».

« Nous insistons sur l’importance de l’énoncé de politique de placement absente de la littérature entourant l’option d’abolir les commissions intégrées. Les clients fortunés l’ont compris depuis longtemps et ils paient pour ce service. Les clients de masse, comme on les appelle dans la [documentation], ont droit aux mêmes égards. Les conseillers dans ce segment de marché, et ils sont nombreux, ont le droit d’être rémunéré de la même façon », explique le Conseil. Concernant les conflits d’intérêts, il juge que si les questions soulevées par les ACVM sont « légitimes », les regards devraient, selon lui, « se tourner vers d’autres sources ».

« En voulant à tout prix prendre des mesures (…) pour répondre aux besoins de protection des investisseurs, les ACVM exposent la population à un plus grand risque encore. Celui d’imposer un modèle d’affaires à une grande partie de celle-ci qui consomme des produits financiers et pour qui l’abolition des commissions intégrées les éloignerait encore plus des services de qualité des conseillers professionnels », conclut le CDPSF.

Le service client affecté en cas d’abolition

La grande majorité des conseillers (85 %) croient qu’ils ne pourront pas offrir le même service à leurs clients s’ils adoptent une rémunération à honoraires et que ce sont les petits épargnants qui en pâtiront, selon un sondage mené au printemps par le CDPSF auprès de 1 422 professionnels du secteur.

Près de trois conseillers sur quatre estiment par ailleurs que la rémunération par honoraires aura pour conséquence d’augmenter leur charge administrative et près de neuf sur 10, que la gestion des TPS/TVQ va accroître leurs frais d’administration.

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