Un marteau de justice sur un bureau.
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L’ancien ministre de l’Éducation Sébastien Proulx devra répondre à une série de questions concernant des faits intervenus entre février et octobre 2016 dans le cadre de l’imposition d’un cours d’éducation financière à l’école secondaire.

Cette décision a été rendue le 28 novembre par la Cour supérieure du Québec et elle survient presque trois ans après que la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) eut dénoncé, en décembre 2016, « la décision unilatérale de cet ancien ministre d’implanter obligatoirement le nouveau cours d’éducation financière dès la rentrée scolaire 2017, et ce, en réduisant le temps d’enseignement du cours de Monde contemporain en cinquième secondaire », précise la Fédération dans un communiqué publié lundi.

La FAE, qui regroupe neuf syndicats représentant plus de 45 000 enseignants du préscolaire, du primaire, du secondaire, de la formation professionnelle et de l’éducation des adultes, avait sévèrement critiqué l’attitude de Sébastien Proulx, lui reprochant notamment d’avoir ignoré les recommandations du personnel enseignant. Favorable à l’instauration d’un « véritable cours d’économie », elle déplorait en outre la précipitation avec laquelle le programme gouvernemental de cours avait été mis en œuvre.

DES COMPTES À RENDRE

Le délai de consultation permettant de modifier le régime pédagogique avait notamment été réduit en vue d’imposer ce nouveau cours. Considérant que les motifs invoqués par le ministre pour le faire n’étaient pas justifiés, la FAE et deux autres organisations syndicales avaient déposé en mars 2017 une demande de sursis, qui a été rejetée par la Cour supérieure. Malgré cette décision, le syndicat a choisi de continuer ses démarches devant les tribunaux.

« La décision rendue par la Cour supérieure [en novembre dernier] rappelle que les ministres, comme les autres citoyens, ne peuvent se soustraire à l’obligation de rendre des comptes. Par l’entremise de son avocat, Me Sylvain Beauchamp, la Fédération pourra donc interroger l’ancien ministre Proulx et exiger de lui qu’il clarifie les circonstances qui ont entouré l’implantation obligatoire du cours d’éducation financière. Cette décision envoie un message clair à tout ministre qui se précipite et modifie les règles du jeu pour arriver à ses fins », se félicite dans le communiqué Sylvain Mallette, président de la FAE.

Dès son annonce à l’automne 2016, ce projet avait suscité une levée de boucliers au sein du monde enseignant, qui avait rapidement exigé un moratoire. En janvier 2017, trois syndicats, représentant quelque 100 000 professeurs du réseau des écoles publiques du Québec, annonçaient dans un communiqué avoir « décidé d’unir leurs voix afin de dénoncer le caractère irrespectueux, et même illégal, de la démarche du ministre […] à l’effet d’imposer ce nouveau cours d’éducation financière dès la rentrée scolaire 2017 ».

« MANQUE DE RESPECT »

« En modifiant unilatéralement et aussi rapidement la grille-matière, le ministre manque de respect à l’endroit du personnel enseignant et des élèves et fait fi des encadrements légaux qui prévalent. Les organisations syndicales demandent donc un moratoire sur l’implantation de ce cours, le temps de faire correctement les choses, en tout respect de la loi », précisait alors le communiqué.

Les trois centrales syndicales signataires de cet appel ajoutaient que « la procédure légale exige une consultation formelle des acteurs du milieu d’une durée de 45 jours, ce qui n’est pas le cas actuellement ».

Leur conclusion? « Le ministre Proulx demande aux commissions scolaires d’adopter des grilles-matières non conformes au régime pédagogique […] alors que rien ne justifie une telle précipitation. » Dans ce dossier, le Conseil supérieur de l’éducation avait lui aussi pris ses distances avec le gouvernement, suggérant à Sébastien Proulx d’intégrer plutôt le contenu du cours dans les domaines d’apprentissage tout au long de l’enseignement secondaire.

S’estimant « bousculés » par l’introduction forcée du programme, nombre d’enseignants du secondaire déploraient par ailleurs le fait qu’ils devaient en même temps implanter les nouveaux programmes d’histoire nationale de secondaire 3 et 4. Enfin, Sylvain Mallette avait déclaré que « le maintien de cette mauvaise décision nuira tant aux élèves qu’aux enseignants », car à quelques mois de la rentrée scolaire 2017, « les professeurs [n’avaient] reçu ni le matériel pédagogique adéquat ni la formation nécessaire pour s’approprier correctement les contenus d’un tel cours et dispenser un enseignement de qualité à leurs élèves ».

L’une des rares organisations à avoir soutenu la démarche du ministre Proulx avait été l’Autorité des marchés financiers. En 2017, l’AMF avait même élaboré, conjointement avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail et avec l’Office de la protection du consommateur, une « trousse pédagogique ». Destiné à aider les professeurs à organiser des activités pédagogiques complémentaires au programme d’éducation financière, cet outil avait été conçu dans l’optique de leur suggérer « des situations d’enseignement-apprentissage variées, adaptées à la réalité des jeunes et visant le développement de cette compétence et de ses composantes ».