Deux titres américains à grande capitalisation ont perdu leur attrait de naguère pour les investisseurs de type valeur: AIG et Intel. Les explications de PaulRoukis, gestionnaire de portefeuille pour les stratégies de valeur à forte capitalisation chez Rothschild Management, à New York.

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Le premier est un assureur mondial aux activités variées, qui a été si durement frappé par la crise financière de 2008 qu’il a dû recevoir l’aide du gouvernement. Il a remonté la pente « en simplifiant son modèle d’affaires et en se débarrassant de ses activités non centrales », telles que les paris risqués qui l’avaient conduit à sa débâcle. « Ce n’est plus la même entreprise qu’avant 2008 », constate Paul Roukis.

Le gestionnaire dit cependant avoir « perdu confiance » en la capacité d’AIG de poursuivre sa remontée. « Dorénavant, ils font deux pas en avant pour deux pas en arrière », dit-il. Sa conclusion : « il ne reste plus de fruits à cueillir, d’autant plus que le marché de l’assurance de dommages connaît des défis. L’industrie a beaucoup de capitaux excédentaires et peu d’occasions à saisir, ce qui nuit à la profitabilité. »

Pour ajouter encore à la perte de confiance, AIG souffre parallèlement d’un problème de direction, selon Paul Roukis. À la suite de « déceptions liées à ses objectifs d'[exploitation] » l’an dernier, l’équipe de direction a été remaniée – un nouveau président, Brian Duperreault, a été nommé au mois de mai. « Le revirement va demander de la patience, et l’histoire récente de nous permet pas de leur donner le bénéfice du doute », analyse l’expert.

Les investisseurs optimistes pointent les capitaux excédentaires d’AIG, qui sont utilisés pour racheter massivement ses actions, et arguent que le prix de l’action à 20 % sous la valeur des actifs est une aubaine. Mais pour Paul Roukis, dans la mesure où l’entreprise s’attend à des rendements propres sous la barre des 8 %, « le rabais est justifié ».

Quant à Intel, ni sa position dominante dans les marchés des processeurs et centres de données, ni sa réputation d’excellence manufacturière ne l’empêchent de faire douter Paul Roukis.

« Nous avons réduit nos placements dans Intel après qu’ils aient revu à la baisse leurs projections de croissance dans le domaine des centres de données, qui comptent pour 30 % de leurs profits. Ce marché connaît une croissance organique, propulsée par le mobile, le commerce électronique et l’infonuagique, mais les concurrents comme ARM et Qualcomm ne sont pas en reste et risquent de menacer les marges d’Intel, qui sont son principal vecteur d’appréciation à long terme », souligne M. Roukis.

« Ils tendent aussi à dépenser beaucoup de capitaux pour des fusions et acquisitions qui protègent leur compétitivité. Cela n’augure pas bon pour leurs marges. Bien sûr, les états financiers d’Intel demeurent solides, mais nous observons une détérioration des marges », poursuit-il.

Les investisseurs optimistes pointent la valeur attrayante du titre, estimée à 14 fois les profits pour 2017 et à 13 fois pour 2018. En outre, l’entreprise paie un dividende de 3 % qui n’est pas négligeable quand on sait que les bons du Trésor plafonnent à 2,3 % sur 10 ans. Mais ce n’est plus assez, selon Paul Roukis.

« La valeur de l’entreprise est estimée à 18 fois ses liquidité disponibles, ce qui n’est pas si attrayant selon nous. C’est pourquoi nous avons réduit notre investissement et alloué les fonds à des occasions plus intéressantes. »