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L’intelligence artificielle (IA) a permis de révolutionner les processus de surveillance des régulateurs. Il est maintenant difficile, voire même impossible, de tromper leur vigilance. Mais avec ceci, leurs exigences réglementaires et leurs attentes envers les membres de l’industrie financière ont également évolué.

La technologie actuelle permet aux régulateurs de détecter les anomalies bien plus tôt et de tout de suite diriger l’enquête dans la bonne direction, a affirmé Frank Barillaro, directeur général du Groupe Everton Carlisle, lors du Sommet FinTech 2018 de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), qui a eu lieu le 11 octobre dernier.

Si le TSX peut, selon lui, « recevoir des dizaines de milliers d’ordres le temps de cligner des yeux », créant ainsi des bases de données énormes, l’intelligence artificielle permet de faire parler ces données et de détecter ainsi les fraudes.

Alors qu’auparavant, les régulateurs se montaient des scénarios de comportements recherchés et qu’ils créaient des algorithmes de détection en conséquence, l’IA fournit les outils pour identifier également les comportements louches non scénarisés.

Elle permet également de faire de la surveillance intermarché et de détecter très rapidement les actions posées sur un marché, qui paraissent à première vue anodines, mais dont le but est d’influencer ou de prendre un avantage sur un autre marché.

Finalement, cette technologie prend en compte les bases de données structurées, à savoir les informations concernant la négociation, mais aussi les données non structurées comme les courriels, les calendriers et même les médias sociaux. Les régulateurs peuvent ainsi faire des rapprochements et détecter des anomalies ou des fraudes qui sans cela auraient été presque indétectables.

DE NOUVELLES APPROCHES

Afin de trouver sans cesse de nouvelles méthodes de surveillance, les régulateurs cherchent à former des équipes aux expertises complémentaires.

« Auparavant, les régulateurs embauchaient des avocats et des gens qui connaissaient la finance. Maintenant, ils recherchent de plus en plus des experts en technologie et en mathématiques afin de faire de l’analyse de bases de données, explique Frank Barillaro. Le nerf de la guerre, c’est d’analyser et de faire parler les données ».

Les régulateurs sont également plus prompts qu’avant à créer des partenariats avec des fournisseurs spécialisés en surveillance des marchés.

« Par le passé, ils utilisaient presque strictement leur technologie à l’interne. Là, ils comprennent qu’il y a des fournisseurs externes qui se spécialisent dans ce domaine », déclare Frank Barillaro.

Ainsi, selon le directeur général du Groupe Everton Carlisle, les régulateurs misent sur une combinaison de technologie interne avec des fournisseurs externes. Le mois dernier, par exemple, les ACVM du Canada ont annoncé une entente avec un fournisseur européen pour la mise en place d’une plateforme de négociation pancanadienne.

LES DÉFIS POUR LES GENS DE L’INDUSTRIE

Évidemment, ce surplus de surveillance présente des défis pour les acteurs du milieu financier. Ainsi, les régulateurs s’attendent à ce que les données soient davantage protégées aussi bien dans la firme que lors de partage de données. Ils s’attendent à ce qu’il y ait un contrôle constant de l’accès aux données. Tout accès aux données devrait être nécessaire et bien documenté.

Les régulateurs désirent également que les firmes et leurs employés connaissent parfaitement les technologies qu’ils utilisent et qu’ils comprennent le fonctionnement des processus technologiques utilisés à l’interne ou à l’externe. Les firmes ou leurs membres doivent également s’assurer que les technologies internes et externes utilisées respectent les règles en vigueur.

Finalement, les régulateurs s’attendent à ce qu’un encadrement soit mis en place autant pour les opérations internes ou externes. Ils s’attendent à ce qu’il y ait un système de gouvernance pour les technologies. Par exemple, la firme devrait déterminer qui a une autorité pour apporter un changement à un processus technologique et que cela soit expliqué et documenté.

UN PEU D’AIDE

Afin de mieux répondre aux exigences réglementaires, il est toujours possible de se reposer sur les RegTech. Ces compagnies ont pour mission d’aider les acteurs financiers à gérer les contraintes de manière innovante afin de réduire les coûts qu’elles pourraient occasionner.

Les firmes de RegTech proposent d’externaliser les fonctions de conformité et de gestion. Elles utilisent ensuite des solutions qui s’appuient sur l’IA, l’apprentissage machine (qui permet de modéliser des phénomènes pour prendre des décisions stratégiques), la chaîne de blocs, le robot conversationnel et l’automatisation du processus robotique.

Selon Geoffrey Pille, directeur des technologies et cofondateur de VigilantCS, le marché des RegTech se divise en six catégories. Et même si chaque RegTech touche généralement à plusieurs catégories, selon ce que l’institution financière recherche, elle devrait s’adresser à certaines RegTech en particulier.

Par exemple, VigilantCS et Behavox sont spécialisées particulièrement dans la conformité et le risque du comportement; Portfolio Aid et Doxim sont plus dans l’automatisation de la conformité réglementaire.

D’autres RegTech seront plus spécialisées dans la prévention et la détection de fraude, la surveillance des employés, l’information de gestion et rapports et l’entreposage de données de conformité.

Ainsi, si les acteurs de l’industrie financière se sentent dépassés par la réglementation, ils peuvent se tourner vers ces ressources et ainsi trouver l’aide appropriée à leurs besoins spécifiques.