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La proposition de l’Institut canadien des actuaires (ICA) de reporter l’âge de la retraite à 67 ans est loin de faire l’unanimité. Le débat fait rage entre les dirigeants d’entreprises et les syndicats.

« Au Québec, 1,4 million de postes seront à combler d’ici sept ans. On estime que seuls 54 % le seront par les jeunes travailleurs qui arrivent sur le marché du travail », a rappelé d’entrée de jeu Michel St-Germain, partenaire à Mercer Canada, à l’occasion du 7e colloque annuel Retraite, investissement institutionnel et finances personnelles du Cercle finance du Québec, qui s’est tenu mardi à Québec.

Devant la réticence des gouvernements à hausser les seuils d’immigration et l’excellent taux d’activité du Québec, l’un des plus hauts au Canada, la solution à l’actuelle pénurie de main-d’œuvre se situe plus que jamais du côté des travailleurs expérimentés, considère l’ICA.

En augmentant l’âge d’admissibilité de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) de 65 à 67 ans, l’association nationale représentant les professionnels de l’actuariat au Canada souhaite ainsi encourager les gens à rester plus longtemps en emploi. « Si on ne hausse pas le nombre de travailleurs, nous allons inévitablement assister à un déclin économique », met en garde Michel St-Germain.

La suggestion de l’ICA prévoit en outre de décaler l’âge minimal de la retraite anticipée au titre du Régime de rentes du Québec (RRQ) ou du Régime de pensions du Canada (RPC), qui passerait de 60 à 62 ans. L’âge maximal de la retraite ajournée augmenterait de 70 à 75 ans pour le RRQ, le RPC et la PSV. Le but : encourager les gens à réclamer leurs rentes plus tard.

« Nous ne pénalisons personne avec notre proposition; les prestations seraient les mêmes qu’en ce moment, mais avec un plus grand potentiel de bonification », précise Michel St-Germain.

« SOLUTION SIMPLISTE »

Norma Kozhaya, économiste en chef du Conseil du patronat du Québec, salue l’idée de l’ICA et souligne que le Québec a bien des croûtes à manger pour hausser le taux d’emploi chez les travailleurs âgés. Celui-ci se situait, en 2018, à 48,5 % chez les 60 à 64, selon l’Institut de la statistique du Québec.

« Nous sommes loin d’être parmi les meilleurs. Chez les 60 à 64 ans, le Québec figure en 22e position des pays membres de l’OCDE, derrière l’Islande, la Nouvelle-Zélande, la Suède et le Japon, où les taux varient de 70 à 80 % », expose-t-elle.

Mme Kozhaya pense que c’est néanmoins une combinaison de diverses solutions qui viendra à bout de la pénurie de main-d’œuvre. « S’il est certes nécessaire d’augmenter le bassin de travailleurs potentiels, il ne faut toutefois pas négliger les questions d’attractivité et de productivité », nuance-t-elle. Elle cite entre autres les postes contractuels et les programmes de mentorat impliquant des travailleurs âgés comme pistes de solutions intéressantes à explorer.

Marie-Josée Naud, conseillère du service de l’éducation de la FTQ, critique la proposition de l’ICA, qu’elle qualifie de « solution simpliste à un problème complexe » et de « source d’augmentation des inégalités sociales ». Elle cite l’écart d’espérance de vie entre les plus riches et les plus pauvres et la plus grande dépendance des femmes aux régimes de retraite publics comme autant d’exemples de ces injustices flagrantes face à la retraite.

« Ce ne sont pas tous les gens qui peuvent se permettre de prolonger leur séjour sur le marché du travail. Décaler l’âge de la retraite est pénalisant pour certains : ils doivent attendre plus longtemps avant de toucher à leurs rentes, ne peuvent toucher aux bonifications. Et, surtout, ils ne contribuent pas nécessairement à résorber la pénurie de main-d’œuvre », conclut-elle.