Les prêteurs hypothécaires doivent éviter de faire preuve de complaisance dans leurs pratiques et ne pas tenir pour acquises la faiblesse des taux d’intérêt et la hausse de valeur des propriétés, recommande le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).

Dans un discours prononcé lundi à Vancouver devant des professionnels du secteur hypothécaire, le surintendant des institutions financières du Canada a affirmé que les pratiques optimales de souscription n’avaient jamais été aussi importantes, compte tenu de la situation économique actuelle, rapporte La Presse Canadienne.

« Lorsque le prix des logements suit une courbe ascendante sur plusieurs années alors que les taux d’intérêt stagnent au bas de l’échelle, la complaisance peut s’installer, estime Jeremy Rudin. Les prêteurs pourraient être portés à croire que la souplesse des normes de souscription sera atténuée par la valeur sans cesse croissante du nantissement ».

TIRER DES LEÇONS DE LA CRISE DE 2008

Le surintendant assure également que le BSIF a tiré des leçons de la crise financière de 2008 et qu’il garde un œil sur le faible pourcentage de prêteurs qui sortent du cadre réglementaire. L’autorité réglementaire des banques canadiennes continuera de promouvoir de solides normes pour les établissements qui lui sont assujettis afin de s’assurer d’une certaine stabilité économique. « Nous allons au-devant des problèmes avant qu’ils ne soient répandus », souligne Jeremy Rudin.

Dans son discours, celui-ci est également revenu sur les conseils émis plus tôt cette année par le BSIF au sujet des pratiques de l’industrie, incluant la vérification des revenus des emprunteurs, la gestion des prêts plus à risque et le ratio de couverture de la dette. Selon lui, les pratiques optimales de souscription de prêts hypothécaires reposent sur l’obtention d’information fiable au sujet des emprunteurs et des biens immobiliers qu’ils achètent.

Il évoque notamment les inquiétudes de la Banque du Canada en ce qui a trait à la croissance de l’endettement des ménages, en particulier celle de la dette hypothécaire. La banque centrale a affirmé l’été dernier que les risques associés à une forte correction des prix de l’immobilier à Vancouver et à Toronto avaient augmenté, tout comme celui associé aux tensions financières des ménages.

NE PAS INSISTER SUR LA VALEUR DES BIENS IMMOBILIERS

« Un ralentissement économique marqué ou prolongé pourrait engendrer une forte augmentation des taux d’intérêt ou une correction significative du prix des logements, ce qui pourrait se traduire par d’importantes pertes pour les prêteurs et les sociétés d’assurances », met en garde le dirigeant, qui rappelle que le Bureau supervise des institutions financières représentant près de 80 % des prêts hypothécaires souscrits au Canada.

Le surintendant juge en outre qu’il ne faut pas trop insister sur la valeur du bien immobilier « parce que contrairement à la valeur du nantissement, la valeur de la dette est fixe ».

« Le prix des logements sur la plupart des marchés canadiens n’a jamais été aussi élevé, appuyé par des taux d’intérêt qui n’ont jamais été aussi faibles. Dans de telles circonstances, le prêteur prudent s’en remet dans une moindre mesure, et non davantage, à la valeur du nantissement », insiste-t-il.

La semaine dernière, la Banque TD et la Banque Royale ont justement augmenté leurs taux d’intérêt hypothécaires fixes, signe que le coût de l’emprunt est en hausse au pays pour les propriétaires, rappelle La Presse canadienne.

CERTAINS ACHETEURS ÉPROUVENT DES DIFFICULTÉS

Par ailleurs, un mois après l’entrée en vigueur du resserrement des règles hypothécaires imposé par le gouvernement fédéral, Radio-Canada observe que plusieurs courtiers immobiliers et nouveaux acheteurs commencent à éprouver des difficultés.

Rappelons que les mesures édictées en octobre par le ministre des Finances, Bill Morneau, ont pour objectif de veiller à ce que les consommateurs demeurent capables de rembourser leur hypothèque même en cas de baisse de leur revenu ou de hausse des taux d’intérêt. Toutes les hypothèques assurées seront désormais soumises à une simulation de crise des taux d’intérêt hypothécaires, ce qui n’était auparavant pas requis pour les hypothèques à taux fixe de plus de cinq ans.

Or, ces dispositions, qui ont été en grande partie adoptées pour stabiliser les marchés immobiliers dans l’Ouest, freinent aujourd’hui l’accès à la propriété pour les ménages les moins fortunés, explique à Radio-Canada Thierry Lindor, courtier-propriétaire pour RE/MAX à Montréal.

« D’un seul coup, le gouvernement est arrivé et leur a dit : maintenant, vos plans, vos économies, on n’en a rien à faire. […] Ces mesures ont été prises pour Vancouver et Toronto. Il y avait une gangrène dans le doigt, et on a coupé le bras », déplore-t-il.

OTTAWA POURRAIT DEVOIR PROCÉDER À DES AJUSTEMENTS

« De 10 % à 20 % des acheteurs ne pourront peut-être plus se qualifier pour l’achat de leur maison », prévoit de son côté Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef à Industrielle Alliance. Celui-ci estime que nombre de premiers acheteurs devront se rabattre sur une habitation plus petite, tandis que d’autres seront contraints d’oublier la ville de leurs rêves, puisque le prix des propriétés y dépassera désormais leur budget.

Sans compter que ces nouvelles conditions ne se limiteront bientôt plus aux nouveaux acheteurs, souligne Radio-Canada, qui rappelle que dès le 30 novembre, tous les prêts liés à l’achat d’une maison seront soumis aux mêmes mesures.

« Certains économistes prédisent que ce resserrement des règles ne résistera pas à l’épreuve du temps et qu’Ottawa devra tôt ou tard procéder à des ajustements », conclut toutefois la chaîne publique d’information.

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