Madame comptait sur la Prestation fiscale canadienne pour enfants afin de joindre les deux bouts. L’Agence du revenu du Canada (ARC) a suspendu ses prestations et demandé de prouver que ses enfants étaient bien nés au Canada. La dame a présenté une lettre du médecin qui a accouché ses enfants, les bulletins scolaires et des copies de factures de services publics confirmant son adresse. L’ARC a refusé de considérer les lettres provenant de connaissances de la famille, dont celle du médecin qui a accouché les bébés.

Voilà un cas pour l’ombudsman des contribuables. Au moment où Madame le contacte, elle est en train de perdre sa maison à cause d’une saisie pour défaut de paiement. Les 38 000 $ auxquels elle estime avoir droit en provenance de l’ARC lui seraient alors très utiles.

L’ombudsman a estimé que l’agence fédérale n’a pas fourni de renseignements clairs sur le type de documents qu’elle accepterait en preuve. À la suite de cette intervention, l’ARC a mené un deuxième examen des documents et revu sa position. Deux mois après le dépôt de sa plainte à l’ombudsman, la dame recevait ses prestations pour six des sept années précédentes. L’ARC a versé les prestations de la septième année quelques semaines après.

Deux ans plus tard, en 2010, l’ombudsman des contribuables publiait un rapport spécial, Établir votre statut, qui inclut des recommandations visant à améliorer les problèmes reliés aux demandes de documentation par l’ARC. (Voir l’encadré Charte des droits du contribuable).

« L’ombudsman a pour mandat de faire respecter la Charte des droits du contribuable (CDC) et de veiller à ce que l’Agence du revenu du Canada traite les contribuables avec équité et leur fournisse le service professionnel auquel ils ont droit. » C’est ainsi que Me J. Paul Dubé, ombudsman, explique son rôle.

L’amélioration des services

Créé en 2008, le service de l’ombudsman des contribuables, par ses interventions ciblées ou par la publication de cinq rapports spéciaux, a obtenu certains gains. Me Dubé mentionne ceux-ci :

  • Un accès plus facile aux renseignements dont dispose l’ARC sur le contribuable (Droits et délais, mars 2012);
  • L’évaluation de l’admissibilité aux crédits d’impôt pour frais de scolarité, pour les étudiants qui fréquentent un établissement d’enseignement à l’extérieur du Canada, tient maintenant continuellement compte de la situation de chaque étudiant conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu et ne dépend pas d’une liste d’établissements d’enseignement
    préapprouvés. (Obtenir des crédits, mars 2012);
  • L’ARC informe mieux les citoyens sur les règles fiscales relatives au compte d’épargne libre d’impôt (CELI). (Connaître les règles, juin 2011);
  • Les bénéficiaires de prestations reçoivent maintenant des renseignements plus clairs sur les types de soutien documentaire dont l’ARC a besoin pour la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE). (Établir votre statut, octobre 2010)
  • Les lettres de décision pour les appels et les avis d’opposition contiennent maintenant des explications plus claires de la décision de l’ARC. (Le droit de savoir, août 2010)

Le rapport annuel 2011-2012 de l’ombudsman mentionne les résultats suivants : « libération de comptes bancaires saisis, fin des activités de recouvrement, paiement de prestations ou de remboursements, modifications aux politiques et procédures de l’ARC et excuses présentées par l’ARC aux contribuables. »

Nombre de plaintes

Doté d’un budget avoisinant les deux millions de dollars, l’ombudsman reçoit en moyenne 5000 appels et ouvre 1000 dossiers par année. « Un grand nombre d’appels constituent de simples demandes de renseignements ou des plaintes qui sortent de la portée de notre mandat, dont les plaintes relevant des langues officielles, précise Me Dubé. Dans la mesure du possible, nous renvoyons les gens au ministère ou à l’organisme gouvernemental concerné. »

« Sur les 1000 dossiers, ajoute l’ombudsman, environ 300 sont fermés à la suite d’une évaluation préliminaire. Le dossier peut sortir de notre mandat ou la plainte, être abandonnée par le contribuable. Nous fermons 500 dossiers au moyen des procédures de résolution rapide. Il peut s’agir de demandes de mesures à l’ARC ou d’un renvoi au programme Plaintes liées au service de l’agence pour les contribuables qui n’ont pas encore épuisé les mécanismes de recours internes à l’ARC. Nous surveillons activement les renvois à ce programme, et pouvons mener une enquête complète si le plaignant demeure insatisfait après sa procédure. Finalement, chaque année, nous effectuons environ 200 enquêtes complètes sur des plaintes liées au service ou à l’équité. »

« À ce jour, affirme Me Dubé, la ministre a accepté les 23 recommandations contenues dans les 5 rapports spéciaux que nous avons produits et l’Agence du revenu du Canada les a mises en application. »

Le mandat de l’ombudsman des contribuables

Le créneau de l’ombudsman, c’est la qualité des services. Une plainte peut notamment concerner :

  • Une erreur découlant de malentendus, d’omissions ou de méprises;
  • Des délais indus;
  • Des renseignements faux ou trompeurs provenant de l’ARC;
  • Un traitement inéquitable; et
  • Le comportement du personnel.

« Habituellement, précise Me Dubé, l’ombudsman des contribuables n’examinera une plainte que lorsque tous les autres mécanismes de règlement à l’ARC ont échoué. »

L’ombudsman n’examine pas les plaintes relatives à la politique fiscale ou à la législation touchant les programmes. Il n’intervient pas sur les décisions judiciaires ou des questions portées devant les tribunaux. S’il y a désaccord avec une cotisation ou une décision de l’agence, l’ombudsman ne pourra y remédier. En outre, l’ombudsman ne peut indiquer à l’ARC des mesures à prendre. Il veillera cependant à ce que les contribuables obtiennent les renseignements dont ils ont besoin.

Charte des droits du contribuable

  • Vous avez le droit de recevoir les montants qui vous reviennent et de payer seulement ce qui est exigé par la loi.
  • Vous avez le droit de recevoir des services dans les deux langues officielles.
  • Vous avez droit à la vie privée et à la confidentialité.
  • Vous avez le droit d’obtenir un examen officiel et de déposer par la suite un appel.
  • Vous avez le droit d’être traité de façon professionnelle, courtoise et équitable.
  • Vous avez droit à des renseignements complets, exacts, clairs et opportuns.*
  • Vous avez le droit, en tant que particulier, de ne pas payer tout montant d’impôt en litige avant d’avoir obtenu un examen impartial.
  • Vous avez droit à une application uniforme de la loi.
  • Vous avez le droit de déposer une plainte en matière de service et d’obtenir une explication sur les constatations de l’ARC.*
  • Vous avez le droit que l’ARC tienne compte des coûts liés à l’observation dans le cadre de l’administration des lois fiscales.*
  • Vous êtes en droit de vous attendre à ce que nous [l’ARC] rendions compte.*
  • Vous avez le droit, en raison des circonstances extraordinaire, à un allégement des pénalités et des intérêts imposés en vertu des lois fiscales.
  • Vous êtes en droit de vous attendre à ce que nous [l’ARC] publiions nos normes de service et que nous en rendions compte chaque année.*
  • Vous êtes en droit de vous attendre à ce que nous [l’ARC] vous mettions en garde contre des stratagèmes fiscaux douteux en temps opportun.*
  • Vous avez le droit d’être représenté par la personne de votre choix.*

* Droit sur lequel l’ombudsman des contribuables peut intervenir

Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) : où en sommes-nous en 2012?

Dans La Presse du mardi 17 juillet dernier, le journaliste Marco Fortier consacre deux pages au processus jugé tatillon de la vérification de l’admissibilité à la Prestation fiscale canadienne pour enfants. « Les gens qui font l’objet d’une enquête de l’ARC ont un mois pour fournir une très grande quantité de données, remontant à trois ans sur chacun de leurs enfants », écrit le journaliste. De plus, l’ARC aurait suspendu le paiement des prestations à certaines familles qui n’auraient pas retourné les documents dans les délais prescrits. Le journaliste cite le conseiller principal en relation avec les médias et porte-parole de l’ARC, Philippe Brideau. Il s’étonne que les prestations d’un contribuable aient été suspendues pendant la vérification d’un compte : lorsque le bénéficiaire éprouve des difficultés dans l’obtention des documents ou a besoin de plus de temps, il peut tout simplement nous demander une prolongation.

Conseiller a soumis ce cas à l’ombudsman des contribuables. « Le nombre de plaintes que nous recevons concernant la prestation fiscale pour enfants a diminué depuis deux ans, mentionne Me J. Paul Dubé, ombudsman. Les plaintes les plus fréquentes proviennent habituellement de personnes nouvellement arrivées au Canada, celles qui déménagent souvent, qui n’ont pas de médecin ou de dentiste de famille et dont les enfants ne sont pas encore à l’école ou à la garderie. Ces personnes rencontrent plus de difficultés à fournir les documents dont l’ARC a besoin pour valider l’admissibilité. Afin de résoudre cette question, l’ARC accepte divers documents en preuve d’admissibilité. »

« Si la plainte que nous recevons satisfait les critères de notre mandat, précise Me Dubé, nous enquêtons de manière objective et impartiale. Nous nous efforçons de résoudre les problèmes que les contribuables rencontrent avec l’ARC le plus rapidement possible ». Le rapport spécial Établir votre statut inclut des recommandations destinées à améliorer les problèmes relatifs aux demandes de documentation. « Nous continuons de surveiller la mise en œuvre de notre rapport et nous pourrions intervenir de nouveau au besoin. »

Notons que ce n’est que sur demande aléatoire de l’ARC que le prestataire doit fournir des preuves supplémentaires de son statut.