Des dollars glissés à travers la fente d'une vitre, d'un côté on voit les dollars américains, de l'autre les billets deviennent de la terre sur laquelle sont plantés des panneaux solaires et des éoliennes.
sefa ozel / iStock

Les motivations ne sont plus seulement environnementales, mais aussi économiques et géopolitiques, croit Aaron White, vice-président, investissement durable, Gestion d’actifs CIBC.

Cliquez ici pour entendre l’entrevue complète en baladodiffusion sur Gestionnaires en direct, de la CIBC

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est préoccupante localement sur le plan humain, mais elle a également des répercussions dans l’ensemble des marchés, notamment avec les hausses de prix des matières premières, constate l’expert. Face à ces bouleversements, les investisseurs soucieux des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ne savent plus sur quel pied danser.

« L’analyse des critères ESG nationaux reposait jusqu’ici sur des facteurs en corrélation avec le PIB, comme la consommation d’énergie, la sécurité alimentaire, la liberté d’association, les droits de la personne, la stabilité politique, l’efficacité gouvernementale, l’État de droit et l’égalité entre les genres. Ces considérations évoluent très lentement et sont évaluées habituellement sur une base annuelle. Mais la situation en Russie nous a montré qu’il faudrait nos façons de faire et adopter une approche plus dynamique », soutient Aaron White.

L’expert relève la rapidité avec laquelle certaines agences de notation ESG avaient déclassé la Russie dans la foulée de l’invasion. Il s’attend à les voir annoncer de nouvelles méthodologies pour aider les gestionnaires d’actifs à mieux prendre en compte les risques ESG.

« Le conflit va avoir des implications pour les marchés de l’énergie, qui doivent désormais résoudre deux problèmes distincts : l’insécurité énergétique et l’inflation énergétique. La première alimente la seconde, ce qui devrait accélérer la transition vers de nouvelles formes d’énergie. On a déjà vu des changements politiques à court terme, notamment en Union européenne (UE) où des gouvernements ont annoncé des plans de maintien du charbon et du nucléaire au-delà des échéances annoncées précédemment. L’UE n’était pas certaine de miser sur le nucléaire comme énergie de transition, mais elle est désormais en train de reconsidérer son approche. Elle va aussi certainement accroître son usage du gaz naturel liquéfié dans l’immédiat, pour se défaire du gaz russe », entrevoit Aaron White.

Il note que l’UE importe actuellement 90 % du gaz naturel qu’elle consomme ; la moitié provient de la Russie, de même que 25 % des importations de pétrole et 45 % des importations de charbon. La guerre en Ukraine a mis en lumière le besoin pour les Européens de diversifier leurs sources d’approvisionnement, et d’accélérer le développement du gaz renouvelable et de l’hydrogène, entre autres.

« À long terme, ce conflit pourrait accélérer la transition énergétique non seulement en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, où l’industrie du pétrole et du gaz naturel cherche à renforcer son profil ESG et où les gouvernements souhaitent accentuer leur sécurité énergétique. Le pétrole canadien, que l’on a longtemps jugé sale et dispendieux, pourrait émerger comme source de pétrole plus sûre et plus acceptable socialement », croit Aaron White.

De fait, les pétrolières canadiennes sont des chefs de file en matière de critères ESG si on les compare à leurs homologues dans d’autres pays. Plusieurs se sont engagés à atteindre la carboneutralité dans leur exploitation, ont établi des politiques environnementales ambitieuses, et promeuvent la sûreté et les droits de leurs employés, rappelle l’expert.

« Les prix du pétrole sont un choc pour les consommateurs nord-américains, qui vont réclamer davantage de sources d’énergie et de technologies renouvelables. Par exemple dans la première semaine de mars, le nombre de recherches Google sur les véhicules électriques a bondi de 400 %. Avec les prix actuels de l’essence, les consommateurs n’ont plus à payer plus cher pour rouler vert ; ça peut même leur coûter moins cher », dit-il.

C’est dans ce contexte, conclut Aaron White, que la transition énergétique devrait s’accélérer.

« Jusqu’ici, les implications à long terme du changement climatique ont été les principaux facteurs de motivation dans la course à la carboneutralité des gouvernements et des entreprises. Mais la guerre en Ukraine a souligné la nécessité de réduire l’inflation et l’insécurité énergétiques, ce qui motive d’autant plus l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050. Et si ceux qui investissent dans les formes d’énergie conventionnelles ont bien profité dernièrement, c’est probablement leur dernier « Hourra ! » ».

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.